lundi 18 juin 2018

HÖLDERLIN / DER GANG AUFS LAND / LA PROMENADE À LA CAMPAGNE


 Friedrich HÖLDERLIN / DER GANG AUFS LAND  / LA PROMENADE À LA CAMPAGNE

(traduction proposée par Patrick Guillot)

_____________________________________________________
 
LA PROMENADE À LA CAMPAGNE
                                                                                        à Landauer
Viens ! dans l’ouvert, ami ! ça ne brille certes qu’un peu aujourd’hui 
     En dessous, et nous serre à l’étroit le ciel. 
Les monts ne sont pas découverts, ni les cimes 
     Des forêts, à notre souhait, et vide de chants l’air reste figé. 
C’est couvert aujourd’hui, somnolent les allées et les ruelles, et presque 
     Me semblerait-il que c’est ainsi que dans l’âge de plomb. 
Pourtant se réalise le souhait, les vrais croyants ne doutent pas pour une seule 
     Heure, et au plaisir demeure consacré le jour. 
Car ce n’est pas peu que nous réjouit ce que nous avons gagné du ciel 
     Quand il se refuse et pourtant se donne aux enfants, pour finir. 
Rien que pour un tel dire et aussi les démarches et les peines 
     Soit digne le gain et tout à fait vrai le délectable. 
C’est pourquoi j’espère même que sera, si nous commençons 
     Le souhaitable, et notre langue d’abord déliée, 
Et trouvé le mot, et le cœur est à découvert, 
     Et du front enivré de plus hautes pensées jaillissent, 
Avec les nôtres du même coup commence la floraison du ciel, 
     Et au regard ouvert est ouvert le lumineux.
Car ce n’est pas au puissant mais à la vie qu’appartient 
     Ce que nous voulons, et qui semble convenable et joyeux du même coup. 
Mais cependant viennent aussi des hirondelles porte-bonheur 
     Toujours quelques-unes encore, avant l’été, dans le pays. 
À savoir là-haut consacrant d’un bon dire le sol 
     Où pour les invités la maison est bâtie par l’hôte avisé ; 
Qu’ils goûtent et voient le plus beau, la plénitude du pays, 
     Qu’ainsi que le cœur le souhaite, ouvert, à la mesure de l’esprit 
Festin et danse et chant et la joie de Stuttgart soient couronnés. 
     Pour ça souhaiterions-nous aujourd’hui gravir la colline. 
Puisse un meilleur encore, la lumière de mai amicale aux hommes, 
     Parler là-dessus, éclairant par elle-même des hôtes malléables, 
Ou, comme jadis, s’il plaît à d’autres, car ancienne est la coutume, 
     Et nous regardent si souvent en souriant de nous les dieux, 
Puisse le charpentier, depuis la cime du toit, énoncer la sentence, 
     Nous, aussi bien qu’il se peut, avons fait notre part.
Mais ce lieu est beau, quand aux jours de fête du printemps 
     Se découvre la vallée, quand avec le Neckar ici-bas 
Les pâturages verdoyant et la forêt et les arbres du rivage se balançant 
     Innombrables en floraison blanche ondulent dans l’air berceur, 
Mais couvert de nuages légers sur les monts rougeoyants le vignoble 
     Va poindre et croître et tiédir sous l’arôme ensoleillé. 
........................

 _____________________________________________________


DER GANG AUFS LAND 
                                                                               An Landauer 
                        LA PROMENADE À LA CAMPAGNE
Komm ! ins Offene, Freund ! zwar glänzt ein Weniges heute 
Viens ! dans l’ouvert, ami ! ça ne brille certes qu’un peu aujourd’hui 
     Nur herunter und eng schließet der Himmel uns ein. 
     En dessous, et nous serre à l’étroit le ciel. 
Weder die Berge sind noch aufgegagen des Waldes 
Les monts ne sont pas découverts, ni les cimes 
     Gipfel nach Wunsch und leer ruht von Gesange die Luft. 
     Des forêts, à notre souhait, et vide de chants l’air reste figé. 
Trüb ists heut, es schlummern die Gäng und die Gassen und fast will 
C’est couvert aujourd’hui, somnolent les allées et les ruelles, et presque 
     Mir es scheinen, es sei, als in der bleiernen Zeit. 
     Me semblerait-il que c’est ainsi que dans l’âge de plomb. 
Dennoch gelinget der Wunsch, Rechtglaubige zweilfen an Einer 
Pourtant se réalise le souhait, les vrais croyants ne doutent pas pour une seule 
     Stunde nicht und der Lust bleibe geweihet der Tag. 
     Heure, et au plaisir demeure consacré le jour. 
Denn nicht wenig erfreut, was wir vom Himmel gewonnen, 
Car ce n’est pas peu que nous réjouit ce que nous avons gagné du ciel 
     Wenn ers weigert und doch gönnet den Kindern zuletzt. 
     Quand il se refuse et pourtant se donne aux enfants, pour finir. 
Nur daß solcher Reden und auch der Schritt’ und der Mühe 
Rien que pour un tel dire et aussi les démarches et les peines 
     Wert der Gewinn und ganz wahr das Ergötzliche sei. 
     Soit digne le gain et tout à fait vrai le délectable. 
Darum hoff ich sogar, es werde, wenn das Gewünschte 
C’est pourquoi j’espère même que sera, si nous commençons 
     Wir beginnen und erst unsere Zunge gelöst, 
     Le souhaitable, et notre langue d’abord déliée, 
Und gefunden das Wort, und aufgegangen das Herz ist, 
Et trouvé le mot, et le cœur est à découvert, 
     Und von trunkener Stirn höher Besinnen entspringt, 
     Et du front enivré de plus hautes pensées jaillissent, 
Mit der unsern zugleich des Himmels Blüte beginnen, 
Avec les nôtres du même coup commence la floraison du ciel, 
     Und dem offenen Blick offen der Leuchtende sein. 
     Et au regard ouvert est ouvert le lumineux.
Denn nicht Mächtiges ists, zum Leben aber gehört es, 
Car ce n’est pas au puissant mais à la vie qu’appartient 
     Was wir wollen, und scheint schicklich und freudig zugleich. 
     Ce que nous voulons, et qui semble convenable et joyeux du même coup. 
Aber kommen doch auch der segenbringenden Schwalben 
Mais cependant viennent aussi des hirondelles porte-bonheur 
     Immer einige noch, ehe der Sommer, ins Land. 
     Toujours quelques-unes encore, avant l’été, dans le pays. 
Nämlich droben zu weihn bei guter Rede den Boden, 
À savoir là-haut consacrant d’un bon dire le sol 
     Wo den Gästen das Haus baut der verständige Wirt ; 
     Où pour les invités la maison est bâtie par l’hôte avisé ; 
Daß sie kosten und schaun das Schönste, die Fülle des Landes 
Qu’ils goûtent et voient le plus beau, la plénitude du pays, 
     Daß, wie das Herz es wünscht, offen, dem Geiste gemäß 
     Qu’ainsi que le cœur le souhaite, ouvert, à la mesure de l’esprit 
Mahl und Tanz und Gesang und Stuttgarts Freude gekrönt sei, 
Festin et danse et chant et la joie de Stuttgart soient couronnés. 
     Deshalb wollen wir heut wünschend den Hügel hinauf. 
     Pour ça souhaiterions-nous aujourd’hui gravir la colline. 
Mög ein Besseres noch das menschenfreundliche Mailicht 
Puisse un meilleur encore, la lumière de mai amicale aux hommes, 
     Drüber sprechen, von selbst bildsamen Gästen erklärt, 
     Parler là-dessus, éclairant par elle-même des hôtes malléables, 
Oder, wie sonst, wenns andern gefällt, denn alt ist die Sitte, 
Ou, comme jadis, s’il plaît à d’autres, car ancienne est la coutume, 
     Und es schauen so oft lächelnd die Götter auf uns, 
     Et nous regardent si souvent en souriant de nous les dieux, 
Möge der Zimmermann vom Gipfel des Daches den Spruch tun, 
Puisse le charpentier, depuis la cime du toit, énoncer la sentence, 
     Wir, so gut es gelang, haben das Unsre getan. 
     Nous, aussi bien qu’il se peut, avons fait notre part.
Aber schön ist der Ort, wenn in Feiertagen des Frühlings 
Mais ce lieu est beau, quand aux jours de fête du printemps 
     Aufgegangen das Tal, wenn mit dem Neckar herab 
     Se découvre la vallée, quand avec le Neckar ici-bas 
Weiden grünend und Wald und [all die grünenden] Bäume 
Les pâturages verdoyant et la forêt et les arbres du rivage se balançant 
     Zahllos, blühend weiß, wallen in wiegender Luft, 
     Innombrables en floraison blanche ondulent dans l’air berceur, 
Aber mit Wölkchen bedeckt an Bergen herunter der Weinstock 
Mais couvert de nuages légers sur les monts rougeoyants le vignoble 
     Dämmert und wächst und erwarmt unter dem sonnigen Duft. 
     Va poindre et croître et tiédir sous l’arôme ensoleillé. 
...................... 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire