Friedrich HÖLDERLIN / ANDENKEN / SOUVENIR
(traduction proposée par Patrick Guillot)
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SOUVENIR
Du nord-est souffle
Le préféré entre les vents
Pour moi, car esprit enflammé
Et bonne route promet-il aux marins.
Mais va maintenant, et salue
La belle Garonne,
Et les jardins de Bordeaux
Là-bas, où sur la rive escarpée
S’éloigne le sentier et dans le fleuve
Tout au fond chute le ruisseau, mais par-dessus
Regarde au loin une noble paire,
Chênes et peupliers argentés ;
Le préféré entre les vents
Pour moi, car esprit enflammé
Et bonne route promet-il aux marins.
Mais va maintenant, et salue
La belle Garonne,
Et les jardins de Bordeaux
Là-bas, où sur la rive escarpée
S’éloigne le sentier et dans le fleuve
Tout au fond chute le ruisseau, mais par-dessus
Regarde au loin une noble paire,
Chênes et peupliers argentés ;
Encore m’en souvient-il bien, et comment
De la forêt d’ormes s’inclinaient
Les larges cimes au-dessus du moulin,
Mais dans la cour pousse un figuier.
Aux jours de fête vont
Les femmes brunes, là même
Sur le sol soyeux,
Au temps de mars,
Quand égaux sont nuit et jour,
Et au-dessus des lents sentiers,
De rêves dorés alourdies,
Filent les brises qui nous bercent.
De la forêt d’ormes s’inclinaient
Les larges cimes au-dessus du moulin,
Mais dans la cour pousse un figuier.
Aux jours de fête vont
Les femmes brunes, là même
Sur le sol soyeux,
Au temps de mars,
Quand égaux sont nuit et jour,
Et au-dessus des lents sentiers,
De rêves dorés alourdies,
Filent les brises qui nous bercent.
Mais que l’on tende,
Pleine d’obscure lumière,
Vers moi la coupe odorante,
Afin que je puisse me reposer ; car suave
Serait sous l’ombrage le sommeil.
Il n’est pas bon
D’être l’âme vide de pensées
Mortelles. Pourtant est bon
Un dialogue et de dire
Le sentiment du cœur, d’entendre maintes choses
Des jours de l’amour,
Et des exploits qui s’accomplirent.
Pleine d’obscure lumière,
Vers moi la coupe odorante,
Afin que je puisse me reposer ; car suave
Serait sous l’ombrage le sommeil.
Il n’est pas bon
D’être l’âme vide de pensées
Mortelles. Pourtant est bon
Un dialogue et de dire
Le sentiment du cœur, d’entendre maintes choses
Des jours de l’amour,
Et des exploits qui s’accomplirent.
Mais où sont les amis ? Bellarmin
Avec le compagnon ? Plus d’un
Ressent la crainte d’aller à la source ;
Elle commence en effet, la richesse,
Dans la mer. Eux,
Tels les peintres, rassemblent
La beauté de la terre et ne méprisent
Pas la guerre ailée, et
D’habiter seul, à longueur d’année, sous
Le mât défeuillé, où la nuit n’est pas traversée par l’éclat
Des jours de fête de la ville,
Ni par celui du luth et des danses indigènes.
Avec le compagnon ? Plus d’un
Ressent la crainte d’aller à la source ;
Elle commence en effet, la richesse,
Dans la mer. Eux,
Tels les peintres, rassemblent
La beauté de la terre et ne méprisent
Pas la guerre ailée, et
D’habiter seul, à longueur d’année, sous
Le mât défeuillé, où la nuit n’est pas traversée par l’éclat
Des jours de fête de la ville,
Ni par celui du luth et des danses indigènes.
Mais maintenant pour les Indes sont
Partis les hommes,
Là-bas par la pointe venteuse
Des vignobles, où va
Descendre la Dordogne,
Et s’unissant à la somptueuse
Garonne large comme la mer
Se jette le fleuve. Mais il prend
Et donne la mémoire, l’Océan,
Et l’amour aussi attache assidûment les yeux,
Mais ce qui demeure, le fondent les poètes.
Partis les hommes,
Là-bas par la pointe venteuse
Des vignobles, où va
Descendre la Dordogne,
Et s’unissant à la somptueuse
Garonne large comme la mer
Se jette le fleuve. Mais il prend
Et donne la mémoire, l’Océan,
Et l’amour aussi attache assidûment les yeux,
Mais ce qui demeure, le fondent les poètes.
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ANDENKEN
SOUVENIR
SOUVENIR
Der Nordost
wehet, (1)
Du nord-est souffle
Der liebste unter den Winden
Le préféré entre les vents
Mir, weil er feurigen Geist
Pour moi, car esprit enflammé
Und gute Fahrt verheißet den Schiffern.
Et bonne route promet-il aux marins.
Geh aber nun und grüße
Mais va maintenant, et salue
Die schöne Garonne,
La belle Garonne,
Und die Gärten von Bourdeaux
Et les jardins de Bordeaux
Dort, wo am scharfen Ufer
Là-bas, où sur la rive escarpée
Hingehet der Steg und in den Strom
S’éloigne le sentier et dans le fleuve
Tief fällt der Bach, darüber aber
Tout au fond chute le ruisseau, mais par-dessus
Hinschauet ein edel Paar
Regarde au loin une noble paire,
Von Eichen und Silberpappeln ;
Chênes et peupliers argentés ;
Du nord-est souffle
Der liebste unter den Winden
Le préféré entre les vents
Mir, weil er feurigen Geist
Pour moi, car esprit enflammé
Und gute Fahrt verheißet den Schiffern.
Et bonne route promet-il aux marins.
Geh aber nun und grüße
Mais va maintenant, et salue
Die schöne Garonne,
La belle Garonne,
Und die Gärten von Bourdeaux
Et les jardins de Bordeaux
Dort, wo am scharfen Ufer
Là-bas, où sur la rive escarpée
Hingehet der Steg und in den Strom
S’éloigne le sentier et dans le fleuve
Tief fällt der Bach, darüber aber
Tout au fond chute le ruisseau, mais par-dessus
Hinschauet ein edel Paar
Regarde au loin une noble paire,
Von Eichen und Silberpappeln ;
Chênes et peupliers argentés ;
Noch denket das mir wohl und
wie (2)
Encore m’en souvient-il bien, et comment
Die breiten Gipfel neiget
De la forêt d’ormes s’inclinaient
Der Ulmwald, über die Mühl,
Les larges cimes au-dessus du moulin,
Im Hofe aber wächset ein Feigenbaum.
Mais dans la cour pousse un figuier.
An Feiertagen gehn
Aux jours de fête vont
Die braunen Frauen daselbst
Les femmes brunes, là même
Auf seidnen Boden,
Sur le sol soyeux,
Zur Märzenzeit,
Au temps de mars,
Wenn gleich ist Nacht und Tag,
Quand égaux sont nuit et jour,
Und über langsamen Stegen,
Et au-dessus des lents sentiers,
Von goldenen Träumen schwer,
De rêves dorés alourdies,
Einwiegende Lüfte ziehen.
Filent les brises qui nous bercent.
Encore m’en souvient-il bien, et comment
Die breiten Gipfel neiget
De la forêt d’ormes s’inclinaient
Der Ulmwald, über die Mühl,
Les larges cimes au-dessus du moulin,
Im Hofe aber wächset ein Feigenbaum.
Mais dans la cour pousse un figuier.
An Feiertagen gehn
Aux jours de fête vont
Die braunen Frauen daselbst
Les femmes brunes, là même
Auf seidnen Boden,
Sur le sol soyeux,
Zur Märzenzeit,
Au temps de mars,
Wenn gleich ist Nacht und Tag,
Quand égaux sont nuit et jour,
Und über langsamen Stegen,
Et au-dessus des lents sentiers,
Von goldenen Träumen schwer,
De rêves dorés alourdies,
Einwiegende Lüfte ziehen.
Filent les brises qui nous bercent.
Es reiche
aber, (3)
Mais que l’on tende,
Des dunkeln Lichtes voll,
Pleine d’obscure lumière,
Mir einer den duftenden Becher,
Vers moi la coupe odorante,
Damit ich ruhen möge ; denn süß
Afin que je puisse me reposer ; car suave
Wär unter Schatten der Schlummer.
Serait sous l’ombrage le sommeil.
Nicht ist es gut,
Il n’est pas bon
Seellos von sterblichen
D’être l’âme vide de pensées
Gedanken zu sein. Doch gut
Mortelles. Pourtant est bon
Ist ein Gespräch und zu sagen
Un dialogue et de dire
Des Herzens Meinung, zu hören viel
Le sentiment du cœur, d’entendre maintes choses
Von Tagen der Lieb,
Des jours de l’amour,
Und Taten, welche geschehen.
Et des exploits qui s’accomplirent.
Mais que l’on tende,
Des dunkeln Lichtes voll,
Pleine d’obscure lumière,
Mir einer den duftenden Becher,
Vers moi la coupe odorante,
Damit ich ruhen möge ; denn süß
Afin que je puisse me reposer ; car suave
Wär unter Schatten der Schlummer.
Serait sous l’ombrage le sommeil.
Nicht ist es gut,
Il n’est pas bon
Seellos von sterblichen
D’être l’âme vide de pensées
Gedanken zu sein. Doch gut
Mortelles. Pourtant est bon
Ist ein Gespräch und zu sagen
Un dialogue et de dire
Des Herzens Meinung, zu hören viel
Le sentiment du cœur, d’entendre maintes choses
Von Tagen der Lieb,
Des jours de l’amour,
Und Taten, welche geschehen.
Et des exploits qui s’accomplirent.
Wo aber sind die Freunde
? Bellarmin (4)
Mais où sont les amis ? Bellarmin
Mit dem Gefährten ? Mancher
Avec le compagnon ? Plus d’un
Trägt Scheue, an die Quelle zu gehn ;
Ressent la crainte d’aller à la source ;
Es beginnet nämlich der Reichtum
Elle commence en effet, la richesse,
Im Meere. Sie,
Dans la mer. Eux,
Wie Maler, bringen zusammen
Tels les peintres, rassemblent
Das Schöne der Erd und verschmähn
La beauté de la terre et ne méprisent
Den geflügelten Krieg nicht, und
Pas la guerre ailée, et
Zu wohnen einsam, jahrlang, unter
D’habiter seul, à longueur d’année, sous
Dem entlaubten Mast, wo nicht die Nacht durchglänzen
Le mât défeuillé, où la nuit n’est pas traversée par l’éclat
Die Feiertage der Stadt,
Des jours de fête de la ville,
Und Saitenspiel und eingeborener Tanz nicht.
Ni par celui du luth et des danses indigènes.
Mais où sont les amis ? Bellarmin
Mit dem Gefährten ? Mancher
Avec le compagnon ? Plus d’un
Trägt Scheue, an die Quelle zu gehn ;
Ressent la crainte d’aller à la source ;
Es beginnet nämlich der Reichtum
Elle commence en effet, la richesse,
Im Meere. Sie,
Dans la mer. Eux,
Wie Maler, bringen zusammen
Tels les peintres, rassemblent
Das Schöne der Erd und verschmähn
La beauté de la terre et ne méprisent
Den geflügelten Krieg nicht, und
Pas la guerre ailée, et
Zu wohnen einsam, jahrlang, unter
D’habiter seul, à longueur d’année, sous
Dem entlaubten Mast, wo nicht die Nacht durchglänzen
Le mât défeuillé, où la nuit n’est pas traversée par l’éclat
Die Feiertage der Stadt,
Des jours de fête de la ville,
Und Saitenspiel und eingeborener Tanz nicht.
Ni par celui du luth et des danses indigènes.
Nun aber sind zu Indiern
(5)
Mais maintenant pour les Indes sont
Die Männer gegangen,
Partis les hommes,
Dort an der luftigen Spitz
Là-bas par la pointe venteuse
An Traubenbergen, wo herab
Des vignobles, où va
Die Dordogne kommt,
Descendre la Dordogne,
Und zusammen mit der prächtgen
Et s’unissant à la somptueuse
Garonne meerbreit
Garonne large comme la mer
Ausgehet der Strom. Es nehmet aber
Se jette le fleuve. Mais il prend
Und gibt Gedächtnis die See,
Et donne la mémoire, l’Océan,
Und die Lieb auch heftet fleißig die Augen,
Et l’amour aussi attache assidûment les yeux.
Was bleibet aber, stiften die Dichter.
Mais ce qui demeure, le fondent les poètes.
Mais maintenant pour les Indes sont
Die Männer gegangen,
Partis les hommes,
Dort an der luftigen Spitz
Là-bas par la pointe venteuse
An Traubenbergen, wo herab
Des vignobles, où va
Die Dordogne kommt,
Descendre la Dordogne,
Und zusammen mit der prächtgen
Et s’unissant à la somptueuse
Garonne meerbreit
Garonne large comme la mer
Ausgehet der Strom. Es nehmet aber
Se jette le fleuve. Mais il prend
Und gibt Gedächtnis die See,
Et donne la mémoire, l’Océan,
Und die Lieb auch heftet fleißig die Augen,
Et l’amour aussi attache assidûment les yeux.
Was bleibet aber, stiften die Dichter.
Mais ce qui demeure, le fondent les poètes.
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