*
C’est,
à l’intersection des deux axes partageant symétriquement le jardin, et précisément
au centre du large bassin circulaire – comme une sagaie venue (mais quand ?)
s’y planter, verticale toujours vibrante, l’empennage échevelé miroitant, fantasque,
là-haut – le jet d’eau.
Sa
lutte est toujours à reprendre pour se tenir droit contre les ruades
capricieuses du vent – le vent, qui secoue aussi la terre et, au pied de la
margelle du bassin, accumule des monceaux de feuilles mortes.
Une
enfant s’y précipite. C’est pour en ramasser toute une brassée : elle
s’accroupit, et ratisse. Elle s’y reprend à deux, trois fois, pour en saisir
autant qu’elle peut. Mais c’est comme remplir un vase sans fond : à chaque
fois qu’elle se redresse, elle doit laisser échapper presque tout son trésor. A
la fin, l’enfant se résigne ; elle n’en garde qu’une grosse poignée – ce
que ses petites mains peuvent retenir.
Elle
est juste assez grande pour que, s’élevant sur la pointe des pieds, ses épaules
surplombent le rebord de la margelle. Voilà, tout ce qu’elle veut, c’est jeter dans
le bassin, par une détente brutale de ses bras, d’un coup, toutes ces feuilles
brûlées. Pour qu’elles s’y rafraîchissent ? Pour les voir se répandre en
flottille sur l’eau verte et frissonnante ? Ou bien, pour les voir s’y
noyer ?
Mais,
de toute façon, comme elle fait face au vent contraire, à peine ouvre-t-elle
les mains que toutes les feuilles s’en échappent, et c’est comme une envolée de
moineaux minuscules, qui lui fouettent sa frimousse – que chiffonne la
contrariété.
Mais,
le sourire lui revient, aussi soudainement que le soleil se dégage des nuages à
l’instant déportés par le vent : il a suffit qu’elle découvre, tapie au
creux de sa petite main, une feuille. Une seule.
Ce
n’est plus rien qu’une feuille, sauvée du désastre – mais l’on sait que, entre
tous les êtres vivants, les moins obstinés ne sont pas à chercher parmi les
petites filles...
Le
père s’est rapproché. Sous son regard, à peine inquiet mais cependant attentif,
la fillette se penche autant qu’elle peut pour, du bout des doigts,
précautionneusement mais fermement, déposer cette feuille, unique, à la surface
de l’eau, entre deux vaguelettes…
Et
vogue le navire ?
Mais !
La petite nef aussitôt s’envole !
Le
vent reste le plus fort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire