vendredi 26 août 2016

SUR LA TRADUCTION

SUR LA TRADUCTION (TROIS ESSAIS de Jean-François Billeter)

jeudi 25 août 2016

Hier, 24 août 2016, dans la librairie du Café Plùm, à Lautrec (Tarn), je repère un livre de dimension légère, dont le titre me retient : ‘TROIS ESSAIS SUR LA TRADUCTION ‘.
Les quelques lignes que je déchiffre à la volée, en l’ouvrant au hasard comme il se doit, me « parlent » directement. Est-ce parce que leur contenu est en phase – par hasard ? – avec un texte que je suis en train de composer ces jours derniers ?
Peu importe la raison, quand la décision est déjà prise : je prends. Ou plutôt : j’achète.
L’auteur du livre ? Jean-François BILLETER. Aux éditions ALLIA.
J’en ai commencé la lecture aujourd’hui. Il s’agit, donc, de la pratique de la traduction, mais dans le contexte le plus ardu pour nous. J’avais été bien averti par la ‘quatrième de couverture’, où l’auteur nous apprend qu’il en tient pour un « principe de difficulté » : mieux vaut penser avoir affaire à une tâche difficile, que l’on peut toujours espérer trouver ensuite plus facile qu’annoncée, que « de la juger facile, et d’échouer faute d’en avoir compris les difficultés ». Il conclut : « Peut-être le cas du chinois est-il exemplaire de ce point de vue parce qu’il exige une conscience plus aiguë des problèmes à résoudre, et présente-t-il de ce fait un certain intérêt pour les non-sinologues. »
Vous avez dit « non-sinologue » ? Parfait. Voilà qui me correspond rigoureusement !
Par contre, je ne suis pas tout à fait dépaysé face à la question de la traduction, à laquelle je me suis mesuré, un temps.


Je recommande, chaleureusement, la lecture de ce livre (de 120 pages) à toutes les personnes intéressées par tout ou partie de ces trois thèmes : 1) les principes de la langue chinoise, 2) la question de la traduction, 3) la poésie – dans tous ses états.
Parce que, bien entendu, il s’agit ici de la traduction de poèmes.




J’ai apprécié de voir l’auteur déclarer, dès la première page du premier essai – ‘POÉSIE CHINOISE ET RÉALITÉ ‘ – que « tenant la traduction de cette poésie-là (la grande poésie chinoise, dont il vient de tracer les limites pour lui), pour impossible, je vais tenter de l’approcher par une voie détournée »… La traduction impossible
Cela me rappelait quelque chose… Sans doute, le bafouillis par lequel j’avais prétendu présenter les traductions que j’avais moi-même, un temps, proposées - mais d’une poésie – celle de Hölderlin - beaucoup moins éloignée, exotique, que cette grande poésie chinoise…
Que disais-je alors ? … Voilà : « Que la traduction soit à jamais imparfaite — incertaine — tient à son statut propre. Ce manque est sa vérité. »
N’était-ce pas dire que, d’un tout autre ordre que les imperfections provoquées par l’incapacité (réelle) du traducteur. il y a une imperfection « à jamais » (une impossibilité autrement dite) de toute traduction du poème, qui lui est consubstantielle ?
Par ailleurs, ce livre présente cet avantage d’en avoir deux : il enseigne et il engage à l’action – méditative. D’autant mieux que c’est en engageant à l’action qu’il enseigne, et qu’il engage à l’action quand il enseigne. Je veux dire qu’il « apprend des choses » en même temps qu’il « donne envie d’en faire »…
C’est ainsi que, pensant, grâce aux éclaircissements de Jean-François Billeter, j’avais compris ce qui était dit, en chinois, dans tel poème Xun yinzhe bu yu
de JIA DAO (779 – 843) présenté à la page 30, j’en propose cette version française :


Chercher l’ermite, ne pas le trouver

Sous les pins, demander au garçon,
qui me répond : le maître cueille des simples
par là dans la montagne, la brume épaisse,
on ne voit pas où.

*

dimanche 28 août 2016
de LI BAI (701-762)

Départ de Baidi tôt le matin

Ce matin, parti de Baidi dans la brume irisée.

À mille lieux - pour Jiangling : le retour, dès ce soir !

D'une rive, de l'autre, résonne, sans cesse, le chant des gibbons.

Et déjà ma barque légère a passé les dix mille montagnes.


*


lundi 29 août 2016

Le second essai est consacré au FAISAN DE ZHUANGZUI. 

Ayant été bien avertis, par l’auteur, que la transcription de certains signes peut toujours être mise en doute, en particulier à cause de l’ancienneté du texte (IVème siècle avant notre ère), et si la formule du « mot à mot » pouvait avoir ici (de la juxtaposition des signes chinois jusqu’à cette suite de mots français) un sens, elle pourrait cependant donner quelque chose comme :

Marais / faisan / dix pas / un / picorer / cent pas / un / boire /
Non / demander / élever / dans / la cage /
Esprit / bien que / roi / pas / bon     .

Par ce préambule, je veux juste faire ressentir tout le patient travail qui est nécessaire au traducteur, s’il veut avoir de bonnes raisons de proposer une traduction… raisonnée. Pour y parvenir, il ne lui suffit pas de maîtriser tous les usages du lexique et de la syntaxe, il lui faut souvent connaître l’histoire des hommes à qui ces paroles étaient destinées, et puis, encore, pénétrer la pensée de celui qui parlait…

Du premier au second essai, pourrions-nous dire que nous sommes passés de la poésie à philosophie ? Que nous sommes passés du ressentiment de ce que peut nous dévoiler l’expérience d’une vie, à une « conception » du monde, telle que peut nous l’enseigner son observation méditante ?  En tout cas, c’est ici une manière d’enquête. Celle que mène ici Jean-François Billeter, peut être passionnante, ainsi que ses résultats.



Le faisan des marais devra faire une fois dix pas pour aller picorer, une fois cent pas pour aller boire, pourtant il ne voudrait pas être en cage, y serait-il nourri : il est comblé par son activité, sans devoir penser que cela est bon.

*




mardi 30 août 2016

Le titre du troisième et dernier essai de ce recueil est :
LA TRADUCTION VUE DE PRÈS 
Dans sa quarantaine de pages, c’est effectivement en détail (puisque l’auteur y discerne - au moins - cinq opérations successives) que sont examinés tous les principes d’une « bonne » traduction. On comprend que l’intérêt de ces bons conseils tient à ce qu’ils sont d’abord le fruit d’une expérience – d’une pratique effective et réfléchie –, sans adjonction intempestive de théorie préalable. Je ne vais pas ici les paraphraser, et laisse les lecteurs les découvrir par eux-mêmes, pour eux-mêmes.
Je ne relève pour finir que la référence faite, à un moment,  à l’interprétation musicale – référence qui me touche tout particulièrement.
On peut bien parler de l’interprétation qu’un traducteur fait d’un texte, et, d’ailleurs, on dit bien que le métier des personnes chargées de traduire ‘en direct’ discours et entretiens est l’interprétariat. Mais il semble que beaucoup de traducteurs, en fait d’interprétation, en reste à ce qu’un musicien appelle le « déchiffrage ». A ce stade, il a bien « lu les notes », mais il sait que cela ne suffit pas pour animer son interprétation… Par ailleurs, d’un autre côté, il semble aussi que certains traducteurs, en fait d’interprétation, se livre à ce qu’un musicien appellerai plutôt une « improvisation » ? Mais alors, peut-être les contours définis de la partition, prise là comme « thème pour variations », seront-ils rendus indiscernables ? Ce qui peut être bon pour une performance musicale annoncée comme telle, ne l’est sans doute pas pour ce qui est présentée comme traduction ?
Est-ce à dire que le traducteur doive « s’effacer » ? La réponse, ici, est : non.
Et c’est pour moi, pour mon usage personnel, un des passages de cet essai parmi les plus intéressants – et convaincants. On ne doit pas croire que l’on doive « laisser parler les textes ». C’est d’ailleurs sans doute impossible : on ne fait rien que laisser la main, non pas aux textes eux-mêmes, mais aux traductions traditionnelles alors en vigueur – qui peuvent n’avoir qu’un très lointain rapport avec le texte originel…  Mais, il y a plus  - ou pire, si l’on veut, - dans ce fantasme du « texte parlant par lui-même », qu’un assujettissement à la façon dont, en définitive,  ne parlera que l’autorité reconnue de certaines traductions. Le pire, donc, est que la traduction, l’interprétation du texte, ainsi abordée, sera sans vie, car sans vie qui lui soit propre. Pour cela, il lui faut la « vie »… du traducteur même !
Et Jean-François Billeter de citer, là, un expert en interprétation, Glenn Gould, déclarant en substance que, de toutes façons, quand bien même on se nourrirait des interprétations déjà existantes, « on ne peut entendre vraiment les autres qu’après s’être bien écouté soi-même ».

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de Mencius :

L’eau remplit un creux avant de remplir le suivant. 
Ainsi s’écoule-t-elle.
L’homme de bien accomplit une étape avant d’en accomplir une autre. Ainsi progresse-t-il.


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