INTERFÉRENCES CHAMANIQUES
musique :
Pierre Marchand et Patrick Guillot
inspirée par cette photographie de Ludovic Hautevelle :
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L'homme marche.
Il marche sur cette route - là où il est inconcevable que
l'on puisse marcher avec ses deux jambes pour seul moteur - sans s'inquiéter de
savoir pourquoi il doit marcher le long de cette route.
Il ne s'inquiète
pas plus de savoir depuis quand. Mais, qu'il puisse marcher le long de cette
route depuis plusieurs jours déjà, cela lui semble, étrangement, aussi possible
qu’invraisemblable.
Il s'étonnera
peut-être, plus tard, de ne pas avoir été plus étonné, alors, de marcher ici.
Mais, pour l'instant... il a oublié de s'étonner.
Seul, il marche sur la route - ou plutôt, à côté.
Il longe la route. Sur la terre. Seul sur terre...
À un moment indéterminé, sans qu’il ne pressente rien, il est
saisi. Il frissonne.
Est-ce le vent qui se lève ?
L’homme a bien senti comme un souffle passé sur son visage mais,
à l'entour, nulle poussière n’est soulevée, et les quelques nuages qu’il voit
devant lui au loin, au dessus des collines, lui paraissent aussi implacablement
figés qu'ils le seraient dans une photographie...
Il voit et il entend - c'est sûr ! alors même qu’il
ne sait rien encore de ce qu'il voit, ni de ce qu'il entend.
L’homme est certain, sans même avoir l’idée de se poser la
question des raisons de sa certitude, qu’il y a là, encore invisible mais
depuis toujours présent à l’entour, quelque chose… qui est à voir,
quelque chose qui est à entendre…
S’il s’est arrêté de marcher, ce n’est sans doute que pour mieux
scruter toutes ces sensations ?
Mais, maintenant que tout, en lui, se tient enfin
immobile, cela, dont il « voyait » et « entendait » la
présence, comme tenu encore à l’écart dans une distance indiscernable, cela se
rapproche, comme pourrait se rapprocher de lui quelques personnes qui voudraient
lui parler nettement mais sans avoir à élever la voix, sans murmurer mais sans
crier, hors de tout besoin de confidence autant que de tout semblant de menace.
…
Et cela enfin lui « parle », dans une langue qu’il
comprend sans l’avoir apprise, une langue composée de gémissements de ce vent
qui ne déplace aucune poussière, des grondements d’une terre qui ne tremble
pas, des craquements de branches d’arbres qui ne donnent pas d’ombre, et des
caquètements d’oiseaux qui ne volent pas dans ce ciel-là.
…
Alors, enfin s’approche le chant de
« Celui-qui-enseigne-l’art-de-rêver »…