...
Une hésitation, brève, au moment de choisir entre
deux mots qui, pourtant distincts, peuvent sembler, à l’usage – et à l’usure –,
interchangeables :
endroit, lieu.
Mais, il s’agit pourtant d’en distinguer un,
et un seul.
Au premier abord, un lieu serait « là
où je peux demeurer », et un endroit, « là par où on ne fait que
passer ».
(Je vois que le sujet n’est pas identique
dans les deux propositions : ‘je’, puis ‘on’… mais, surtout, qu’il s’agit maintenant
de distinguer demeurer et passer.
Mais, de même que ce n’est pas spatialement
que je vais distinguer lieu et endroit – par exemple en croyant voir qu’un lieu
devrait être plus « grand », plus étendu, qu’un endroit –, ce n’est pas
en mesurant le temps « que ça prend » que je distinguerais demeurer et
passer !)
Donc, je peux me dire être en tel lieu, pour une heure ou pour une vie, et
tout au long de ce temps-là, parce que je pense, ressens, que j’y habite, et qu’il
n’est pareil à aucun autre parce que c’est là que j’habite, et que pour cela j’en
fais une expérience qui m’est propre. Etc.
Je peux me dire être en tel endroit, pour une heure ou pour une vie,
si je ne m’y pense que de passage, entre là d’où je viens et là où je dois
aller. Etc.
*
J’imagine qu’installé
dans son « camp » depuis… dix ans, ou plus, un « réfugié » se
sens, se pense, toujours – chaque instant de chaque heure, qu’il compte – de
passage. Et qu’ainsi jamais il ne peut demeurer (habiter).
Il n’y demeure pas, il
y reste.
*
Par ailleurs – c’est
ailleurs, en effet –, je peux faire l’expérience d’un lieu en un éclair. Car le
« temps » des lieux n’est pas celui de l’action, mais celui de la
mémoire.
C’est ma mémoire qui reconnait,
dans cette portion d’espace, un lieu.
Un lieu, je me l’approprie
(ou j’y appartiens – question de point de vue).
Un endroit, comme on dit qu’on
le fait d’un chemin, je ne peux que l’emprunter… Un endroit n'est toujours que provisoire – « au passage ».
Mais, ne peut-on pas faire,
d’un passage, sa demeure où habiter ?
Ne puis-je pas choisir (ou être
destiné) à demeurer dans le passage ?
Pourquoi pas, sans
doute – mais c’est une autre partie de l’histoire.
Et quoi encore ?
Que c’est « moi »
qui qualifie un endroit, qui le caractérise, le situe, qui en parle pour le
dire beau ou laid, ou ceci ou cela. Etc.
Un lieu – c’est lui qui
me parle. Et comme je lui réponds, il me situe.
*
En cet endroit : la
sensation de la contingence.
En ce lieu : le sentiment
d’une nécessité.
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