Pages

mercredi 10 septembre 2014

TOPOGRAPHIE




...

Une hésitation, brève, au moment de choisir entre deux mots qui, pourtant distincts, peuvent sembler, à l’usage – et à l’usure –, interchangeables : 
endroit, lieu.
Mais, il s’agit pourtant d’en distinguer un, et un seul.

Au premier abord, un lieu serait « là où je peux demeurer », et un endroit, « là par où on ne fait que passer ».
(Je vois que le sujet n’est pas identique dans les deux propositions : ‘je’, puis ‘on’… mais, surtout, qu’il s’agit maintenant de distinguer demeurer et passer.
Mais, de même que ce n’est pas spatialement que je vais distinguer lieu et endroit – par exemple en croyant voir qu’un lieu devrait être plus « grand », plus étendu, qu’un endroit –, ce n’est pas en mesurant le temps « que ça prend » que je distinguerais demeurer et passer !)

Donc, je peux me dire être en tel lieu, pour une heure ou pour une vie, et tout au long de ce temps-là, parce que je pense, ressens, que j’y habite, et qu’il n’est pareil à aucun autre parce que c’est là que j’habite, et que pour cela j’en fais une expérience qui m’est propre. Etc.
Je peux me dire être en tel endroit, pour une heure ou pour une vie, si je ne m’y pense que de passage, entre là d’où je viens et là où je dois aller. Etc.

*
J’imagine qu’installé dans son « camp » depuis… dix ans, ou plus, un « réfugié » se sens, se pense, toujours – chaque instant de chaque heure, qu’il compte – de passage. Et qu’ainsi jamais il ne peut demeurer (habiter).
Il n’y demeure pas, il y reste.

*

Par ailleurs – c’est ailleurs, en effet –, je peux faire l’expérience d’un lieu en un éclair. Car le « temps » des lieux n’est pas celui de l’action, mais celui de la mémoire.
C’est ma mémoire qui reconnait, dans cette portion d’espace, un lieu.

Un lieu, je me l’approprie (ou j’y appartiens – question de point de vue). 
Un endroit, comme on dit qu’on le fait d’un chemin, je ne peux que l’emprunter… Un endroit n'est toujours que provisoire  « au passage ».
Mais, ne peut-on pas faire, d’un passage, sa demeure où habiter ? 
Ne puis-je pas choisir (ou être destiné) à demeurer dans le passage ?
Pourquoi pas, sans doute – mais c’est une autre partie de l’histoire.

Et quoi encore ?
Que c’est « moi » qui qualifie un endroit, qui le caractérise, le situe, qui en parle pour le dire beau ou laid, ou ceci ou cela. Etc.
Un lieu – c’est lui qui me parle. Et comme je lui réponds, il me situe.

*

En cet endroit : la sensation de la contingence.

En ce lieu : le sentiment d’une nécessité. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire