mardi 26 août 2014

VOUS ETES ICI


ICI…
(le lundi 10 mars 2014)




VOUS ETES ICI
...
VOUS, ETES et ICI, ces trois mots composent la phrase inscrite ici, sur un trottoir de la rue de Ménilmontant.
Inscription peu décorative, contrairement à beaucoup d’autres par ici visibles dans les rues ; son intérêt graphique pourrait ne tenir qu’aux éclaboussures alentour, débordant généreusement du cadre du pochoir qui a servi au traçage des lettres majuscules – et à la géométrie de ce cadre, aussi incertaine, ou intuitive, que celle des lettres…

… Mais trois mots suffisants pour, articulés comme ils le sont, composer une phrase parfaite, si l’on veut : j’entends une phrase à laquelle on ne peut rien retirer et à laquelle il n’y a rien à ajouter – si, de ce que l’on veut lui faire dire, elle doit tout dire, et rien d’autre.
Seulement trois mots, mais qui sont chacun comme une ouverture vers une question primordiale, n’est-ce pas ? 

« Vous êtes ici »…
Vous ? qui ? moi ? ou toi ?
(Ce pourrait être la question de l’identité : à qui parle-t-on, ici – et, d’ailleurs, qui parle ?)

« Vous êtes ».
Alors, la question de l’être ? Mais, dans la seule lumière de la situation spatiale : vous êtes ici. (Qu’aucune coordonnée de cet ici-là ne soit spécifiée par la déclaration ici inscrite, cela semble vous suggérer que vous pourriez être toujours également « ici », partout ailleurs.)  
Alors, la question de l’immanence ? Si vous êtes, ce ne peut être (!) qu’ici. Si vous devez être authentiquement, ce n’est qu’ici ? Vous pourriez être, même sans ne jamais savoir quoi : vous (c’est-à-dire vous et moi), vous n’êtes pas et vous ne serez jamais quelque chose, et moins encore quelqu’un, de défini, sinon par votre situation ici – et maintenant.

Parce que, bien entendu, pas d’espace hors du temps. Je suis ici maintenant, mais je pourrais aussi bien être ailleurs, incessamment. Et, d’ailleurs, avant, j’en venais, et j’y retourne (ailleurs), pour y être – dans quelque temps…
(Et, d'ailleurs, c'est ainsi entendu au pied de la lettre, c'est-à-dire ici et maintenant, que ce « Vous êtes ici » est un modèle d'énoncé vrai, incontestable.) 

Donc, je suis ici, me dit-on.
Je peux ne pas savoir ce que je suis, ici. Ni pourquoi j’y suis ?
Mais peut-être n'y suis-je que pour ça : pour y passer, pour y remarquer cette inscription sur le sol, pour en prendre une image, et, peut-être, pour en comprendre le sens ?



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