ICI…
(le lundi 10 mars 2014)
VOUS
ETES ICI
...
VOUS,
ETES et ICI, ces trois mots composent la phrase inscrite ici, sur un
trottoir de la rue de Ménilmontant.
Inscription
peu décorative, contrairement à beaucoup d’autres par ici visibles dans les
rues ; son intérêt graphique pourrait ne tenir qu’aux éclaboussures alentour,
débordant généreusement du cadre du pochoir qui a servi au traçage des lettres
majuscules – et à la géométrie de ce cadre, aussi incertaine, ou intuitive, que
celle des lettres…
…
Mais trois mots suffisants pour, articulés comme ils le sont, composer une
phrase parfaite, si l’on veut : j’entends une phrase à laquelle on ne peut
rien retirer et à laquelle il n’y a rien à ajouter – si, de ce que l’on veut lui
faire dire, elle doit tout dire, et rien d’autre.
Seulement
trois mots, mais qui sont chacun comme une ouverture vers une
question primordiale, n’est-ce pas ?
« Vous
êtes ici »…
Vous ?
qui ? moi ? ou toi ?
(Ce
pourrait être la question de l’identité :
à qui parle-t-on, ici – et, d’ailleurs, qui parle ?)
« Vous
êtes ».
Alors,
la question de l’être ?
Mais, dans la seule lumière de la situation spatiale : vous êtes ici.
(Qu’aucune coordonnée de cet ici-là ne soit spécifiée par la déclaration ici
inscrite, cela semble vous suggérer que vous pourriez être toujours également
« ici », partout ailleurs.)
Alors,
la question de l’immanence ?
Si vous êtes,
ce ne peut être (!) qu’ici. Si vous devez être authentiquement, ce n’est
qu’ici ? Vous pourriez être, même sans ne jamais savoir quoi : vous
(c’est-à-dire vous et moi), vous n’êtes pas et vous ne serez jamais quelque
chose, et moins encore quelqu’un, de défini, sinon par votre situation ici – et
maintenant.
Parce
que, bien entendu, pas d’espace hors du temps. Je suis ici maintenant, mais je
pourrais aussi bien être ailleurs, incessamment. Et, d’ailleurs, avant, j’en
venais, et j’y retourne (ailleurs), pour y être – dans quelque temps…
(Et,
d'ailleurs, c'est ainsi entendu au pied de la lettre, c'est-à-dire ici et
maintenant, que ce « Vous êtes ici » est un modèle d'énoncé
vrai, incontestable.)
Donc,
je suis ici, me dit-on.
Je
peux ne pas savoir ce
que je
suis, ici. Ni pourquoi j’y suis ?
Mais peut-être n'y suis-je que
pour ça : pour y passer, pour y remarquer cette inscription sur le sol,
pour en prendre une image, et, peut-être, pour en comprendre le sens ?
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