PASSAGER…
... (passagère est la fascination du passager)
*
C’est un de ces lieux qui semblent n’être faits que
de « passages ».
Cependant chacune des étapes possibles, de chacun de ces
passages, présente un aspect combiné à seule fin que le passant cesse, un
moment, de passer, et s’y arrête un temps suffisant pour avoir l’envie d’y
consommer, peu importe quoi.
(Ainsi doivent l’avoir espéré les combinateurs de
la chose.)
Mais, dans ce lieu-là, par ailleurs saturé de ces
sortes de passages destinés uniquement à y retenir le passant, les
circonstances d’un chantier en cours ont rendu nécessaire d’en aménager un qui,
lui, ne serait fait que pour qu'on y passe – d’un côté à l’autre, sans
s’arrêter.
Comme un pont ? Oui, mais aveugle, ne s’ouvrant sur
aucun ciel qui provoque chez le passant l’envie de lever la tête, sur aucun
paysage à contempler en tournant le regard à droite ou à gauche... (Ni lac ni
rivière, ni plan d’eau, vive ou morte, ni plaine, ni vallée ouvertes jusqu’aux
lointains, ni profondeurs obscures d’une gorge aux flancs escarpés…)
Alors, plutôt comme un tunnel, en fait : ne donnant
sur aucune autre vue que celle du point où aller, et ne donnant pas même envie
de se retourner pour revoir le point d’où l’on est venu. (Un passage à l’état pur, pour
ainsi dire.)
Mais sans doute fallait-il encore que, pour tel ou
tel passant de ce côté-ci, « l’autre côté » ne semble jamais être moins
attractif, et que l’aspect du passage ne rebute pas l’envie de s’y engager ? Et
ce serait pourquoi les combinateurs du lieu ont eu l’idée d’y disposer ce
spectacle lumineux qui, pour le spectateur complaisant, pourra paraître
incessamment recommencé, comme celui des vagues ou des nuages – chatoyant comme
un ciel, scintillant comme une mer… (Etc.)
C’est l’insignifiance parvenue à un haut degré de
perfection, mais cela peut devenir aussi fascinant qu’il est possible, si l’on
veut.
(lundi 3 mars 2014)
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