- Étant donné...
une image étant donnée..., cette image, que vous voyez là :
- Une autre (*), encore
proposée pour servir de motif à une composition musicale ?
- Oui, et toujours aussi
librement, dans sa forme, son style, son genre. Il est seulement attendu que le
morceau soumis sera « original », c’est-à-dire qu’il devra avoir été composé
entre le 1er et le 23 octobre 2016 : http://fr.audiofanzine.com/projets-collectifs/news/a.play,n.34228.html
- En définitive, la
seule contrainte demeure l’échéance pour rendre sa copie ?
- Oui, et que le
contenu de celle-ci soit « en rapport » avec l’image.
- L’image… Elle
n’est pas banale. Quel est son auteur ?
- Giorgia
Napoletano. On la trouve ici : http://giorgianapoletano.weebly.com/
…
- Composer de la
musique « à partir » d’une image ?
- Vous vous
demandez comment cela est possible ?
- Non, pas
vraiment. Ce n’est pas la « possibilité » qui me semble
problématique. On peut faire n’importe quoi à partir de n’importe quoi. Je veux
dire que n’importe quoi peut provoquer une émotion, un désir, ou une réflexion…
et que ces mouvements du sentiment, de la volonté, de l’entendement, ils
peuvent eux-mêmes provoquer, chez certains d’entre nous, un besoin de créer des
formes qui en seront, d’une façon ou d’une autre, comme des
« expressions », formes elles-mêmes destinées à provoquer, chez ceux
qui les recevront, émotions, désirs et réflexions…
- Oui, c’est le
cycle de l’art…
- Comme il y a un
cycle de l’eau… qui sourd de la terre, qui coule vers l’océan, qui se sublime en
vapeur qui se condense en nuages qui s’épanchent en pluies qui arrosent la
terre avant de la pénétrer, et d’en revenir, en sources…
- Le « cycle
de l’art » serait-il aussi vital que le cycle de l’eau ?
- Cela dépend où l’on
place le principe du vital… Mais c’est trop de généralités.
- Vous avez raison.
Restons pratiques.
- Alors, vous
pourriez me dire comment vous avez « reçu » cette image ?
- Sans doute.
Quoique… Elle me semble avoir tellement de « couches » que je suppose
que certaines m’échappent. Je veux dire que, pour une part au moins, elle doit
agir en moi en catimini…
- Mais, pour nous
en tenir à ce qui vous serait assez clairement conscient ?
- A vrai dire, une
image, ce doit d’abord être évident. Dans le sens premier du terme. Tout ce qui
s’y trouve, ce ne doit être rien d’autre que ce qui s’y trouve en vue.
- Vraiment ?
- Oui, pour le
reste, ce ne sont que nos interprétations…
- Mais, aussi évidente
par elle-même que soit cette image, ses interprétations ne peuvent-elles pas être
au moins aussi intéressantes que l’image qui les supporte ?
- Quoiqu’il en
soit, le problème vient de ce que, souvent, la mécanique des interprétations se
met en branle bien avant que l’on se soit donné la peine de simplement regarder
l’image, elle-même. On la glose avant même d’avoir fait un premier tout de ses
évidences.
- C’est dommage.
- Oui. Mais non !
Pas nécessairement : après tout, une image qui passe devant nos yeux, elle
n’est souvent qu’une bribe, perdue parmi ces multitudes d’informations que nous
recevons continuellement. Il n’y a aucune nécessité de principe à y prêter une
attention particulière – si elle n’a pas déclenché spontanément l’envie de s’y
arrêter.
- Mais, celle-ci,
cette image dont nous parlons ?
- Oh, celle-ci !
Elle s’y est bien incrustée, dans mon attention. Et, avant qu’il
soit besoin d’aller creuser dans mon intimité (subjective), je peux –
objectivement – constater qu’elle a mis en évidence ces éléments : une
jeune femme brune aux cheveux longs, habillée de noir, portant une boucle à
l’oreille et une montre à son poignet gauche ; elle porte à deux mains une
image, qu’elle présente frontalement à l’objectif d’une façon assez
élégante, délicate, en la tenant presque du bout des doigts ; cette image est
celle d’une tête de mort.
- Une image dans
l’image ?
- A première vue…
je pense à un reflet. Le reflet serait alors celui crâne placé devant la jeune
femme, et comme la dévisageant. Mais, et c’est là où ça devenu intéressant, de
mon point de vue : ce n’est pas si évident, qu’il s’agisse d’un reflet. Je
crois que ce qui est mis en évidence ici, c’est justement un défaut d’évidence.
Etes-vous bien sûr qu’il s’agit là, vraiment, d’un reflet dans un miroir ?
- Vous voulez dire que ce
pourrait ne pas être un miroir, mais, sans doute, une vitre, derrière laquelle
se tiendrait de la jeune femme, puisque l’on devine en partie sa silhouette au
travers ?
- Oui, peut-être une vitre,
mais sur laquelle aurait été plaquée une image découpée – une peinture ou une
photographie. L’image d’un crâne ?
- Le
dispositif scénique est tel que ce crâne est placé
pour correspondre à l’emplacement de la tête de la jeune femme Mais il est clair,
aussi, que ce n’est pas « calé » de façon si exacte que l’illusion
soit bien assurée ! Non, décidément, non seulement ce crâne ne peut pas être
celui – comme radiographié – de la jeune femme, mais j’ai même la sensation qu’il
est, ce crâne, celui de l’un de nos très anciens ancêtres. Quelque chose de
quasi préhistorique…
- Vous avez
raison. Je n’avais pas vu ça… Toujours est-il qu’il y a présence d’un crâne humain.
L’évidence d’une tête de mort. La mort, donc, est objectivement présente dans
cette image - quelque soit la façon dont ensuite, pour soi, on considère la
mort dont il serait ici question.
…
- Et puis, là, il
ne s’agissait que de composer de la musique. Et ? ça a donné quelque
chose ?
- Oui, ça a donné
ça :
https://soundcloud.com/user-101895035/un-reflet-devant-soi-flagrant
- Je vois le titre : UN REFLET DEVANT SOI FLAGRANT…
- Je vois le titre : UN REFLET DEVANT SOI FLAGRANT…
- Oui, ces quelques
mots se sont imposés immédiatement. Et ils ont été comme un
« programme ». Mais non pas trop explicite, bien sûr.
- J’imagine… La
formule est un peu… abstraite ?
- Oui. En même
temps, c’est assez peu théorique : c’est bien devant soi, c’est un reflet,
et c’est flagrant. Je veux dire que, en définitive, j’ai résolu que c’était un
reflet. Il est flagrant que c’est un reflet, d’une façon ou d’une autre… et
qu’il est devant soi.
- Je me demande
si votre indication de cette « flagrance », ici, n’est pas un peu…
ironique ?
- C’est bien
possible… Après ce que je vous ai dit de l’indétermination de la chose.
- Cependant, comment
êtes-vous donc passé de ces considérations, heu… littéraires, à de la
musique ?
- Par des
concepts. Comme la sensation de cette image, pour moi, s’était finalement comme
cristallisée dans l’idée du reflet, du miroir reflétant le Temps…
- Le Temps ?
Ah… oui… la mort.
- Oui, bien
entendu. La mort, qui n’est qu’une manifestation, parmi d’autres, du Temps. D’ailleurs,
j’en vois ici une autre illustration, du Temps.
- La montre au
poignet de la jeune femme ?
- Oui, assez
anecdotique sans doute. Ce que je vois, et ressens, surtout, c’est la surface
du miroir. Avez-vous remarqué comme elle semble corrompue ? Une surface si
défaite, décomposée, que le miroir en est devenu aussi translucide là que
pulvérulent ici ?
- Je vois. Mais,
alors, les concepts, disiez-vous, pour provoquer la musique ? Mais, le
sentiment ?
- Non. Là, je ne
fais pas de sentiment !
- …
- Vous savez, faut-il le rappeler : la musique ne
"signifie" rien. Pour dire ça de manière très générale : la musique
ne fait que nous mettre en présence d'une Forme. Et ce sont les façons dont
cette Forme nous touche, qui nous font parler - et, donc,
"signifier".
-
En d’autres termes, ce serait la façon dont nous en parlons, de la musique, qui
serait seule signifiante ?
-
Exactement ! Bien entendu, nous pourrons parler, par exemple, des
sentiments qu’elle provoque en nous. Mais elle-même, elle ne peut-être « sentimentale » !
C’est l’usage que nous en faisons qui peut l’être. Mais elle-même ? Elle peut
être modale ou sérielle ; elle peut être « en mineur » ou « en
majeur », si elle est tonale ; elle peut être à 6/8, ou bien contenir
une pulsation complètement déstructurée ; elle peut être « de chambre »,
ou « symphonique », etc.
Mais
dire qu’elle peut être par elle-même, par exemple, « sentimentale »…
Non,
ça n’a pas de sens.
-
D'un autre côté, c'est une image qui vous était ici proposée. Les images,
elles-mêmes, ne peuvent-elles "signifier" ?
- La situation de
l’image est autre. Bien sûr, les images aussi sont des Formes, qui nous touchent comme telles.
Ou pas. Et de cela, de la façon dont la Forme, en elles, nous atteint, ou non,
nous pourrions parler aussi. Et nous ne
devrions pas nous en priver, d'en parler ! Surtout quand il s'agit de "faire de la musique à
partir d'une image". Mais il est certain que
nous sommes, spontanément, plus souvent touchés par leur contenu, je veux dire :
par ce qui est représenté par l’image, par son référent dans notre expérience
de la réalité. Si nous voyons un reportage sur des scènes violentes, c’est
sûrement la violence elle-même que nous ressentirons d’abord. Si nous voyons la
photographie d’une plage ensoleillée, l’image elle-même se fera en quelque
sorte transparente : au travers, nous ne ferons qu’halluciner nos futures vacances,
non ?
-
Mais, si j’ai bien suivi, la musique, ici, n’a pas vraiment été informée par le
sentiment – de la mort, ou du temps.
-
Non. Uniquement par une « idée » du Temps. Et par cette autre « idée »,
conséquente, que, pour appréhender la réalité du Temps, nous ne pouvons faire
appel qu’à ses reflets. Qu’il faut lui tendre un miroir. Et que ce miroir, nous
devons le tenir, légèrement mais fermement, de nos propres mains.
-
Et ça se « formalise » musicalement ?
-
Oui.
-
Mais comment ?
-
Est-ce bien intéressant d’en parler ici ? Le Temps, il est déjà comme
inclus d’office dans toute manifestation musicale, non ? J’ai juste insisté
un peu, sur cet aspect, en utilisant prioritairement des processus « répétitifs ».
Mais, que la boucle répétée suive le schéma 3/3/2, ou en dérive, de savoir ça,
ou ce genre de chose, est-ce bien utile à l’auditeur ? Est-ce si
intéressant de savoir… que j’ai mis en œuvre quelques structures suivant le
modèle « en miroir », aussi ancestral, d’ailleurs, que toutes les
autres structures construites sur le principe de l’imitation :
transposition, renversement ou mouvement rétrograde ?
-
Ce qui est en bas se retrouve ensuite en haut, ce qui était au début se
retrouve à la fin, ce genre de choses ?
_
Oui, ce genre de choses…https://www.youtube.com/watch?v=VCmSGX0ozmM
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