ICI, LE 17 AVRIL 1891, IL NE SE PASSA STRICTEMENT
RIEN
Ce n’est pas moi qui le dis.
(D’ailleurs, ici, là où je suis en ce moment même, le 26 mai 2016, je n’en sais rien, de ce qui s’y passa le 17 avril
1891.)
Non, cette assertion péremptoire,
je l’ai trouvée là… je veux dire ici, dans cette petite rue de cette petite
ville, où chacun et chacune qui y passera pourra encore la découvrir (je crois), sur cette plaque
émaillée fixée sur la façade de cette maison.
Au passage, j’en apprécie la
typographie (l’usage des majuscules, dans différentes tailles, et d’un
Bodoni ?) ; et sa lecture me fait sourire…
Je suppose qu’elle est justement,
ici, pour ça : moquer, gentiment, subtilement, subliminalement, tous ces
affichages urbains destinés à nous faire savoir, ou souvenir, qu’en tel endroit
à telle date, il se passa quelque chose
…
Mais, ici, à cet endroit-là
précisément de cette petite ville du département du Tarn, où je déambule en cet
après-midi du 17 mai 2016, il ne se passa
rien – me dit-on – le 17 avril 1891.
Rien : pas de guerre déclarée ni
de paix signée ; nulle émeute sanglante ; aucun massacre d’otages… On
se doute que, si Jeanne d’Arc avait séjourné dans la région, ce n’aurait pas
été en cette fin du 19ème siècle, mais 1891, c’est aussi trop tardif pour une
éventuelle visite de Victor Hugo – par exemple.
Il faut que cela soit bien
clair : ici, le 17 avril de l’année 1891, il ne se passa strictement rien.
Rien de rien : aucun
personnage, d’envergure internationale ou simplement locale, ou de quelque
renommée qui l’ait rendu un tant soit peu mémorable dans le monde ou dans son
village, n’est passé par ici pour y faire quoique ce soit, en gestes ou en
paroles.
Aucun personnage, solitaire ou
même accompagné, ni aucun groupe plus ou moins organisé, n’est venu ICI, ce
jour-là, pour y accomplir tel grand exploit utile à la communauté, ou bien même
tel grand forfait qui l’aurait bouleversée, la communauté – un temps.
Aucun politicien, aucun savant,
nul général de quelque chose, nul empereur exotique, pas de mathématicien
génial mais fou, ni de musicien fou mais génial…
Pas d’événements à signaler non
plus, donc, ni du genre historique, ni du genre anecdotique : pas de
réunion fondatrice de la première association pour la défense du patrimoine
local, pas d’assemblée politique ou syndicale… Aucune fondation de la plus
misérable petite secte…
Pas même le plus petit meurtre
entre amis – ou en famille.
…
Au sourire, provoqué par la
lecture de l’intrigante assertion, succéda une profonde réflexion : en
plus d’être possiblement amusante, était-elle aussi vraie ?
Une assertion vraie ? Comment
le démontrer ?
En admettant même que cet ICI n’y
désigne que la maison (et non aussi une étendue indéterminée de la rue devant
cette maison), puisque le temps de la constatation scientifique semble en ce
cas révolu, quel raisonnement mathématique peut nous persuader qu’ici, en ce
désormais fameux 17 avril 1891, dans cette maison-là, il ne s’y passa rien, à strictement parler ?
…
Ps : Recherche étant faite par acquit de conscience, il apparaît que :
a ) pour la date du 17
avril 1891, wikipédia ne signale aucun événement, nulle part ;
b ) une telle plaque
émaillée peut être acquise, pour la modique somme de 25 euros et 69 centimes,
par n’importe quelle personne, privée ou publique, qui pourra alors la
fixer au vu de tous, selon ses droits propres ; celle que j’ai découverte
pour mon propre compte, le 17 mai 2016, à Lautrec (Tarn), en est seulement un
exemplaire parmi d’autres.
A signaler : c’est tous les ‘15
août’ (je crois), qu’une Fête du Pain a lieu à Lautrec, ce qui (je suppose) explique la gerbe de blé que l’on voit ici sur la porte, à côté de la plaque
commémorative de ce Rien insigne.
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