jeudi 31 juillet 2014

SAINTE-VICTOIRE




 Paul Cézanne est là, où la montagne le regarde.

La montagne, ça le regarde. Et ça le regarde, comment peindre ça : la façon dont elle le regarde. Et pour peindre ça, la façon dont la montagne le regarde, il cherche là d’où il peut la voir.

Enfin, il y demeure.

Il demeure là assez longtemps.
Ce n’est pas que cela doive toujours durer un temps long, mais que ce soit assez.
C’est-à-dire : le temps qu’il faut.

(Paul Cézanne n’est pas fou.
Que lui, Paul Cézanne, la Sainte-Victoire ne le voit pas, il le sait bien.
Il se dit juste – car il pense juste, et parle de même – qu’elle le regarde.)

S’il est bien là où elle le regarde, et qu’il n’est que là, et assez longtemps, alors, doit venir le moment où il va la voir, cette montagne.
C’est-à-dire : le moment où il va pouvoir le peindre.
(Le peindre, ça : qu’il la voit.)

Peindre, c’est-à-dire : poser le ton juste, juste là où il doit être posé.

Ainsi, devant cette peinture ainsi composée par Paul Cézanne, d’autres pourront y voir, c’est-à-dire se trouver là où ça les regarde, de même. Là où la montagne les regarde.





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