vendredi 23 août 2024

Une mémoire habitable ?

 

Une mémoire habitable ?

 

Dans la lettre de cet ami, reçue hier, il aura suffi d'une brève évocation de certaines choses passées pour provoquer, ce matin, entre sommeil et réveil, une espèce de "vision" - de celles qui se forment en nous sans que notre délibération y soit pour quelque chose.

 J'ai vu chacun de nous, je me suis représenté chacune des personnes humaines, comme autant de maisons.

Une maison alors tout particulièrement individuelle - à chaque fois avec son dessin unique, ses agencements pour chacune à nulle autre pareille. 

C'est que chacune de ces maisons était le produit de l'existence propre à chacun d'entre nous, ou du moins comme son relevé topographique en quelque sorte - en trois dimensions, et même plus.

Une simple figuration de la mémoire ?

Sans doute. Mais ce serait alors au travers d'une figure bien solide, et disposant d'une emprise sensible sur l'espace, et de dimensions suffisantes pour nous tenir rassemblés, et abrités des intempéries, etc. 

Rien à voir avec l'évanescence des souvenirs ?

 

Une personne humaine, une maison.

 Et alors, à l'échelle de l'humanité, une innombrable multitude d'entre elles déjà réduites en gravats, ou emportées au fond des abysses...

Avec, et pour quelques unes seulement, pour seule trace, peut être une vieille photo perdue entre les pages desséchées d'un vieil album, oublié au fond d'une cave... d'une autre maison ?

Admettons aussi qu'il soit possible, en quelques maisons exceptionnelles, que certaines de leurs pièces restent encore, pour un temps, ouvertes à la visite - sous la forme d'une salle de musée, où d'un livre sur l'étagère d'une bibliothèque ?

 Mais, bien sûr, pour la plupart d'entre nous, cette maison-là, faite de tout ce que nous avons vécu, ou rêvé de vivre, de tout ce que nous avons pensé, désiré ou craint, et finalement éprouvé vraiment, pour ensuite nous en souvenir tout au long de nos jours ou bien, croyons-nous, pour l'oublier un peu, ou tout à fait - cette maison-là n'est qu'à notre usage exclusif. 

Et, la plupart du temps, n'y pénètrent que les personnes que nous y invitons - pour autant qu'elles puissent s'y retrouver...

 Ce que je retiens d'abord ici, c'est que tout, toujours, demeure, dans cette maison : rien ne peut jamais s'y trouver définitivement oublié, ou perdu.

Des pièces peuvent être restées longtemps fermées, encombrées d'un désordre qui semble inextricable quand, par curiosité ou par inadvertance, nous en entrouvrons un instant la porte - que nous refermons aussi vite ! 

Mais, refuser de considérer ce désordre n'effacera pas son existence...

 

D'autres pièces sont restées à peu près comme elles étaient, nous semble-t-il, quand nous les avions refermées, il y a si longtemps, pour la dernière fois...

Sans doute la poussière accumulée en dissimule certains détails. Mais voilà, un peu de ménage, et on ouvre les volets ! Et tout se retrouve propre et vif sous le soleil neuf...


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