jeudi 28 octobre 2021

‘GHOST CITY’ (collectif CK2G)

 

‘GHOST CITY’

collectif CK2G : Bruno Clochard / Kitusai / Guska / Patrick Guillot


 https://youtu.be/Dsnw_ZBzsm8


Ici est proposé, en une correspondance que nous espérons poétiquement exacte avec la contemplation des tableaux, un spectacle audio-visuel – ou, plus précisément, « musicalo-graphique » ?

Cette forme de spectacle est le fruit des rencontres croisées de quatre artistes : le photographe-plasticien Bruno Clochard, les musiciens Kitusai et Guska, et, comme vidéaste, Patrick Guillot.

 Ce sont 9 tableaux, signés Bruno Clochard, sur le thème de la « cité fantôme », qui ont provoqué la composition, par Kitusai et Guska, de 9 morceaux de musique. Ensuite, Patrick Guillot a assemblé tableaux et musiques dans l’espace-temps particulier des ‘images animées’...

 La série des tableaux, que l'on peut s'attendre à trouver réunis dans une exposition, est accompagnée d’une suite de "vidéos", dont chacune re-présente un des tableaux, non pas selon une approche documentaire, mais selon un mode proprement musical.

 

‘GHOST CITY’ : UN QUADRILOGUE

 Les quatre artistes ont été conviés à répondre à quelques questions dans un entretien croisé, un « quadrilogue »…Nous avons d’abord voulu savoir de quels processus ce projet était l’accomplissement…

 

Bruno Clochard : En tant qu’artiste, le pourquoi du comment de la création de cette série des 9 « Ghost City », c’est, en « toile de fond », l’apparition de la Covid19, avec ces masques, le confinement, les villes qui, petit à petit, se vident, ces milliers de morts bien réels, et la numérisation de notre humanité à marche forcée, dans tous les domaines : le paiement sans contact, le télétravail, les documents administratif, et plus personne dans les bars ni les restaurants, plus personne au théâtre, au concert, ni dans les expositions… Des villes fantômes !

L’autre origine de cette création, elle se situe dans la vallée du Rhône. C’est là ou je demeure. Cette vallée  qu’on appelle, tristement, la Vallée de la Chimie & Nucléé ! Vallée toute aussi meurtrière de par ses atomes qui un jour exploseront, car les leçons du passé, depuis les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, non jamais été écoutées. Des millions de morts en un claquement de doigts… des souffrances inutiles…

Des villes fantômes !

Patrick Guillot : Et bien, voilà posé ce que j’appelle un projet poétique…

Bruno : Donc, les tableaux de cette série « Ghost City » proviennent de photographies numériques réalisées en itinérances dans la vallée du Rhône et sur les hauteurs de Condrieu. Les prises de vue ont été faites entre 2015 et 2017 au téléphone Sony Ericsson W995, avec ses effets intégrés hypnotiques,  et un travail de « peinture numérique » sur ordinateur.

Je suis avant tout un créateur d’images, chasseur-catalyseur d’empreintes éphémères. J’observe, transforme le sens caché du réel pour le guider vers une autre dimension. Mes images sont des compositions photographiques hybrides altérées par le temps et le geste pour aboutir à une représentation abstraite ou de figuralisme surréaliste. Enfin, elles sont contemporaines par les supports d’impressions que j’utilise pour redonner vie à la dématérialisation numérique de ces matières photographiques.




Patrick : Lorsque j’ai reçu les images de Bruno, je me suis, par principe, immédiatement imposé certaines limites dans le « traitement » que j'allais en faire : refus de toute altération chromatique et distorsion des contours, au bénéfice du seul usage des recadrages, fixes ou mobiles, et des jeux d'incrustation et de transparence entre les différents plans ainsi obtenus...

Je me suis situé, dans l’espace, du début à la fin de ce travail, devant les tableaux de Bruno tels qu’ils sont, et ce sont les musiques de Kitusai et de Guska, telle qu’elles sont, qui ont commandé, dans le temps, de bout en bout, l’allure du montage, la succession des plans obtenus par les différents recadrages.  Je souhaitais atteindre, au moyen de ces procédés, des transpositions graphiques de l'expérience mentale, autant subjective qu’objective, que je faisais, et des tableaux de Bruno, et de la musique de Kitusai et de Guska.

Guska : Difficile de dire ce qu’une 'approche artistique' pourrait être.... Disons juste que j'attends d'aimer ce qui va sortir du travail sur la musique.

Aussi, je suis une sorte de snob musical, et j'essaye de faire en sorte que mes contributions soit aussi peu pop que possible. Pour 'Ghost City', j’ai seulement essayé d’imaginer des structures pâles et fantomatiques, parfois douces, parfois un peu terrifiantes.  Mais, heureusement, je n'étais pas trop seul ; je savais que Kitusai était à mes côtés…

Kitusai : Nous avions fait un premier album avec Guska : « The excellent adventures of Mr Senyawa »…

Patrick : C’est d’ailleurs en produisant des « images animées », sur une suite de quelques uns des titres de ce premier album, que j’ai fait la connaissance de Guska !

Kitusai : Alors, pour notre second album, j’ai proposé à Guska de travailler à partir de la série de tableaux de Bruno Clochard intitulée « Ghost city ».

Cette série est aussi inspirante que les autres et franchement adaptée à la période ! Guska et Bruno ont été enthousiasmés par l’aventure. Vu nos collaborations antérieures, il allait de soi de proposer à Patrick de créer les films à partir des tableaux et des musiques. Pour moi c’est un vrai aboutissement. Patrick a joué le rôle du chef d’orchestre en donnant vie aux musiques et aux tableaux pour en faire un tout en mouvement. Avec sa baguette magique il a transformé une expérience qui aurait pu être une simple juxtaposition d’images et de sons en une œuvre autonome, vivante et unique. Je suis vraiment très heureux de cette immersion sensible que nous avons de surcroit pu faire aboutir en période confinée, sans jamais nous rencontrer physiquement. Mais nos âmes elles ne se sont pas quittées.

Bruno : C’est un projet en cascade, et crescendo !

Et la finalité des montages de Patrick est dans l’esprit recherché : envoutante, fantomatique et poétique.




Patrick : La première fois que j’ai vu le travail de Bruno, j’ai spontanément beaucoup apprécié ses alliages si personnels de ‘réel’ et de ‘rêve’ visuels, à la fois extraordinairement précis, et provocateur d’intenses dépaysements de l’imagination ! Alors, sans même avoir déjà découvert l’allure particulière de cette série, Ghost City, j’étais déjà tout acquis, par principe, à un projet « vidéastique » dans cette direction-là. De toutes les façons, il suffisait que Kitusai me le propose pour que le principe en soit acquis, compte tenu de nos expériences passées, toutes heureuses, de collaboration dans ce domaine.

Guska : Nous aimons tous les deux, Kitusai et moi, les aspects bizarres, ésotériques, de la musique. Comme nous vivons à presque 2000 kilomètres l’un de l’autre, quand Kitusai a une idée, il m'envoie une piste, que je déstructure, et j'en fais quelque chose qui ressemble légèrement à son original. Et d’autres fois : vice versa ! Dans les moments les plus favorables, nous avons juste joué et assemblé nos pistes, les unes sur les autres.

Bruno : La « collaboration », c’est l’essence même de toute création artistique, et ceci sous tous ses aspects possibles !

Au départ, il y a celle de l’artiste avec son matériau : l’Art-Résistant le plus puissant, naît des pinceaux, des couleurs, de la toile du peintre. De ce fait il est déjà matérialisé, prêt à être montré ! Ensuite, il y a la « collaboration fondamentalement engagée  » de l’artiste avec tous ceux qui lui permettent de publier ses œuvres : les organisateurs d’expositions telles que des galeries, salons, associations, institutions, etc. Cette exposition d’une œuvre peut provoquée une « collaboration imagée » avec des auteurs qui pourront contextualiser, conceptualiser sa Résistance-Poétique, et ainsi participer à faire collaborer « émotionnellement » les « visiteurs-écouteurs », qui entrent, qui regardent (même de l’extérieur)…

Patrick : Je suis, de mon coté, particulièrement sensible à ce que tu nommes ici la « collaboration émotionnelle » : l’œuvre n’accédant à une vraie existence que dans sa réception.

Le tableau n’existant finalement que dans le moment de cette « collaboration » entre celui qui a peint, et celui qui regarde ce qui a été peint ; telle musique n’existant finalement que dans l’entente, à un moment donné, entre celui qui compose et celui qui écoute ce qui a été composé. Etc.

Toutes ces collaborations sont d’ailleurs en quelque sorte des collaborations conflictuelles. Je veux dire : des conflits destinés à être résolus, en vue du meilleur pour les parties en présence. Pourrait-on oser les nommer des « collaborations dialectiques » : des oppositions, des confrontations entre des réalités distinctes, mais destinées à produire des réalités nouvelles ?  


Guska : Ces collaborations, elles sont la preuve que « un plus un, ça fait plus que deux » !

La façon dont quelqu’un d’autre vient contribuer, créativement, ça déclenche des idées que je n’aurais pas imaginées par moi-même. Et ça permet une musique qu’il ne serait pas possible de produire autrement. Parfois, une idée musicale peut changer de direction si elle est travaillée par d’autres. La collaboration en musique, ça aide à croître soi-même, à s’agrandir individuellement. Mais, je crois que c’est le point le plus important : ces collaborations, c’est beaucoup de plaisir, multiplié !

Mais, pour être tout a été fait honnête, cela a été parfois comme… une certaine forme de magie noire. Et nous n'en dirons pas plus

Kitusai : Tout à fait, je suis entièrement d'accord avec Guska !

J'ajoute simplement que j'ai joué naguère dans un groupe de rock de banlieue. Quand il y avait des répétitions tu n'avais pas forcément envie de jouer à ce moment-là, et en plus y'en avait toujours un pour draguer ta copine. Comme on fait maintenant par Internet, c'est quand même bien mieux ! J’ai d’abord rencontré Patrick Guillot sur un forum musical Audiofanzine où nous postons des musiques.

Patrick : C’est là que, dès 2017, sans l’avoir déjà auparavant abordé, j’avais déjà proposé à Kitusai de faire un clip sur un de ces morceaux, dont le caractère m’avait particulièrement saisi.  Mais cela n’a été que le début d’une assez riche histoire…

Kitusai : Nous avons collaboré ensuite à plusieurs projets associant photos, créations visuelles animées et musique. Nous somme allés présenter une de ces créations (« Saisons ») à une expo près de Lyon à la Biennale d’art contemporaine REG’ART à Albigny sur Saône en mars 2019. Bruno Clochard y exposait ses tableaux, alliant l’argentique au numérique, qui m’ont beaucoup plu.

Patrick : Et moi de même !

Bruno : Et moi j’avais beaucoup apprécié leur création commune, à Kitusai et à Patrick… Kitusai et moi avons papoté sur la musique d’improvisation, c’est un domaine que j’affectionne particulièrement en musique et dans l’espace incroyable de la création !

Kitusai : Et nous sommes restés en contact, Bruno et moi, et j’ai fait un premier album inspiré de sa série « Réalité augmentée ».

Bruno : Il s’agissait de 12 images sur 12 de tes improvisations musicales. Puis en 2020, nous nous sommes encore retrouvés  uniquement pour la partie visuelle de ton nouvel opus « The next room »

Kitusai : Cet album, « Réalité augmentée », est paru sur toutes les plateformes musicales Internet (Spotify, Apple, Google etc.) en 2020. Enfin, j’ai rencontré Guska, qui est allemand, sur le forum musical Metapop. Même chose qu’avec Patrick : écoutes respectives, sympathie, mariage…

         Guska : Après avoir rencontré Kitusai et sa musique via le forum Metapop, j’ai aussi découvert que nous avions tous les deux publié des trucs sur Bandcamp. J'ai alors rassemblé mon courage, pour le contacter - parce que sa musique… rang a bell with me : elle me parlait ! Et, pour mon bonheur, cela l'a intéressé que nous collaborions, et c’est ainsi que l’histoire a commencé... 

 

 



 

Collectif CK2G (Clochard/Kitusai/Guska/Guillot)

 

 Bruno Clochard / Kitusai / Guska / Guillot :   

 

Le Théâtre des Âmes

https://www.youtube.com/watch?v=2CpBEaTtDzM

 

Ghost City

https://youtu.be/Dsnw_ZBzsm8

 

*

 

Bruno Clochard / Kitusai :

Road Movie                          https://youtu.be/cdU5Fi2iECo

Réalité Augmentée                         kitusai.bandcamp.com/album/realite-augmentee

 

*

 

 Kitusai / Guska :

"The Excellent adventures ofMr Senyawa"

 https://kitusai.bandcamp.com/album/the-excellent-adventures-of-mr-senyawa

 

 

Kitusai / Guska / Guillot :

NINE EXCELLENT ADVENTURES OF GUSKA & KITUSAI

https://www.youtube.com/watch?v=Ccs7L6WpH1o

 

Kitusai / Guillot :

MURS /\ MIROIRS_Selfie _  face A & face B

https://www.youtube.com/watch?v=sQuRcjU3SIA

https://www.youtube.com/watch?v=MMTVPHUrQus

 

Journal de l'Arbre

https://www.youtube.com/watch?v=sd7sQnu5SnA

 

Les Saisons de Kitusai

https://www.youtube.com/watch?v=M8ARXE0BnG0

 

 

www.bruno-clochard.com

 

https://kitusai.bandcamp.com/

 

https://metapop.com/guska

 

http://patrickg75.blogspot.com/

 

vendredi 26 février 2021

‘Retour au 5, rue de la Folie-Dencourt’

 

‘Retour au 5, rue de la Folie-Dencourt’

 Il s’agit, ici encore, d’une image donnée pour servir d’inspiration initiale à une composition musicale :

 

 crédit : ekaterina - pexels

 Nous poserons-nous la question de savoir si nous devons nous imaginer le monter d'abord, ou bien plutôt le descendre... cet escalier dont on a ici une image

De toute façon, on peut supposer, raisonnablement, que l'on ne pourrait le descendre qu'après l'avoir monté une fois.

De mon côté, j'ai rêvassé sur ce que cet escalier-là, sur cette image-ci, pouvait m'évoquer d'une époque ancienne, disons même "Ancien Régime", et, partant de là... du théâtre de Marivaux, par exemple ?

Et, de fil en aiguille, et de scènes en intrigues, j'ai à la fin été pris dans l'idée des réminiscences proustiennes, au travers desquelles on recherche le temps dont on a perdu le sens, avant de nous y retrouver par tous nos sens.

Ici, ce pourrait être, entre autres histoires possibles, celle d'un personnage qui retourne en une certaine maison où, il y a bien des années, il a vécu...

Au pied de cet escalier, il n'est plus l'heure pour lui de se demander s'il va pouvoir le monter, ou d’espérer que l'on vienne l'y rejoindre...

Remémoration sensorielle ? Est-ce ici une certaine odeur, sèche, de poussière accumulée ? Est-ce une certaine pénombre, seulement contredite par une minuterie parcimonieuse et, au palier au dessus, par cette étroite fenêtre ?

Au pied de cet escalier, cela a été le « point d’un départ », qu’alors il ne pouvait penser définitif.

*

 

Le titre cite une rue, "de la Folie-Dencourt", qui est sans rapport avec aucune rue existante...  Mais, je me souviens d’un autre aspect marquant de l'œuvre de Proust qui se trouve résumé en ces deux titres de chapitres : ‘Nom de Pays : le Nom’ et ‘Nom de Pays : le Pays’.

 

(D'un pays nous nous faisons d’abord une idée selon ce que son nom nous évoque, puis une tout autre idée quand nous découvrons le pays lui-même. Cette mécanique, très généralement déceptive, joue aussi pour certains personnages, aperçus tout d'abord selon la réputation attachée à leurs noms, hors de toute considération pour leur réalité propre. Etc.

 

Donc, comme par un processus inverse, je peux aller d’un « pays » - fictif -, à un « nom » - le titre d’une œuvre. 

 

Les titres, donnés aux œuvres, et par lesquels, dans la quasi totalité des cas, le public les reçoit "au premier abord", ils peuvent bien être tout à fait quelconques ; cette banalité aura son effet particulier. Si je découvre un tableau dont le titre affiché est 'Sans titre', ou bien réduit à une date, comme cela se trouve, je suis tout autant pré-conditionné dans mon regard sur lui que - par exemple - devant une œuvre de Paul Klee intitulée 'Wunderbar Landing', ou avant d'écouter une pièce d’Erik Satie désignée comme 'Choses vues à gauche et à droite' pour piano et violon.)

 

*

 

La musique, née d’une image fixe, est ici, encore une fois, elle-même, source d’autres images, animées.

 https://www.youtube.com/watch?v=o9Z1_w3_jv8

 


Leur montage particulier a été conditionné par la musique, préalablement fixée.

 La musique ? C'est comme une passacaille -  ou une chaconne. Elle repose donc tout entier sur le principe, antique, de la 'basse obstinée', ici obstinément en do # mineur.

Le seul de ses caractères qui soit moins traditionnel est sa mesure, à 5 temps.

Et tout ce morceau était 'programmé' comme un mouvement (miniature) de concerto (pour clavecin et ensemble de cordes), avec la 'cadence' du soliste qui s'impose, etc.

Les cordes, sur le format que je m'étais fixé (6 minutes), n'étaient pas destinées à jouer d'autre rôle que celui d'une "basse continue" un peu... enveloppée, si je peux dire. 

La partie de clavecin est jouée sur une modélisation (*) d'une copie réalisée par Matthias Griewisch (**), d’un instrument signé en 1624 par Hans Ruckers II le Jeune, également connu sous le nom de Joannes Ruckers, l’un des deux fils de Hans Ruckers.

 



 (*)

https://www.modartt.com/harpsichord

(**) http://www.griewisch.com/franzoesisch/instrumente/flaemische/ruckers1624.php