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lundi 24 octobre 2016

UNE PAGE DE JOURNAL, DOMINICALE


                                                                            dimanche 23 octobre 2016



Une page « de journal », vraiment ?
Pourtant, je n’écris pas de « journal » : je n’écris pas au jour le jour, tous les jours.
Je n’ai même jamais écrit assez régulièrement – par exemple tous les dimanches – pour me dire que je tenais mon journal.
(Quelle intéressante expression : « tenir » son journal…)
J’écris « en passant ». Et ce n’est pas tous les jours que je « passe » devant quelque chose qui me donne envie de m’arrêter, pour écrire.
Que je passe devant quelque chose, ou bien : qu’il se passe quelque chose devant moi ? Bien entendu, quand on dit « il se passe quelque chose », ce n’est pas pour dire que cette chose passe, mais, au contraire, qu’elle est arrivée, et qu’elle s’installe.
Quoiqu’il en soit, pour écrire « en passant », il ne suffit pas de passer ; il ne suffit pas non plus que l’attention soit retenue par quelque chose, un moment, mais encore faut-il avoir envie d’en dire quelque chose. Et, qu’une chose soit - un moment - « intéressante », cela ne suffit pas pour que l’on prenne le temps – un peu plus d’un moment – pour dire quelque chose de l’intérêt que l’on y porte.
Encore que certains semblent doués d’une grande rapidité (de conception, de réalisation) quand il s’agit d’écrire. Mais je n’ai jamais eu, moi, ce genre de talent, ni n’ai bénéficié d’une formation me permettant de m’en passer.
Je dois bien reconnaitre que je suis plutôt un peu lent… Il faut que je rumine mon idée – quand j’en ai une qui veut bien se présenter à moi, et pour moi : en me donnant le sentiment, provisoire, qu’elle est mienne.
Surtout, il me semble que cette rumination doit être interminable, littéralement : je n’en ai jamais fini, sinon par un effet de mon épuisement. En effet, quand, la digestion de l’idée apparemment achevée, je crois venu le temps de me poser, pour me mettre à écrire, à faire des phrases, pour « formuler », comme on dit, cette idée - telle qu’il me semble que ma rumination l’a fait venir -, je vois vite que je n’en suis encore qu’à relancer d’autres ruminations : j’ai espéré qu’il ne s’agirait de rien d’autre que d’une rumination accessoire, cet examen de la meilleure façon d’exposer l’idée… mais non !  Je découvre à chaque fois que, désigner comme « idée » quelque chose qui n’est pas « dit », et bien, c’est comme un abus de langage.
Ce qui n’a pas été, d’une façon ou d’une autre, formulé de façon à être entendue par quelques uns de mes semblables, ce n’est pas rien, mais - ce n’est pas une idée !
Je ne sais pas ce que c’est, vraiment. Une apparition d’images ? Quelque sentiment ? Une rêverie ? Ce doit être un état… peut-être provoqué par une expérience. Oui, sans doute, ce que j’appelle « avoir une idée », ce ne serait qu’un état, ou une expérience. Comme on peut être brûlé, suite à une expérience du feu. Mais l’idée ? Une idée, par exemple, de ce qu’est la brûlure, ou de ce qu’est le feu… Devra-t-elle, à proprement parler, nous brûler ? Serait-elle par elle-même, de quelque façon autre que métaphorique, un feu ?

L’idée – si idée doit être – ne sera que par la parole.
Ce qui implique que, pour chaque parole distincte, qui aura été décidée à seule fin de formuler une idée ressentie comme originelle, une autre idée, qui en sera distincte, aura été formée.
A vrai dire, la durée de temps qui va m’être nécessaire, à moi, pour décider d’une formulation, elle m’est tout à fait personnelle, donc tout à fait anecdotique.
Par contre, qu’une formulation distincte présente à chaque fois une idée distincte, et pour cela mérite rumination…

*

Ce dimanche matin, devant quelle chose suis-je  passé – ou bien quelle chose se passe devant moi – qui m’arrête ici ? Une émission de radio, entendue par hasard. Pas toute l’émission d’ailleurs, mais juste un passage…
Il y est question du bonheur, et des malheurs. Sujet commun. Quelque chose qui y est dit (que l’on sache désigner sûrement les raisons d’un malheur mais non pas les raisons du bonheur) entraîne un échange avec la personne à mon côté… C’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce genre d’émission : qu’elle puisse, éventuellement, provoquer un échange entre les personnes qui l’écoutent. Ce n’est pas que ne soient pas intéressantes les réponses de celui qui, à la radio, est interrogé sur le sujet ! Le manque de consistance de ce que l’on entend alors, il tient plutôt au dispositif obligé, qui empêche que la personne qui interroge laisse venir toutes les réponses, jusqu’à leur « fond ». Cette personne-là fait son boulot : retenir l’attention de l’auditeur, d’une enfilade de publicités commerciales à une autre enfilade de publicités commerciales. Celui qui répond, heureusement rompu aux contraintes de ces exercices médiatiques, s’en tire plutôt bien, compte tenu de ces circonstances peu favorables.
Donc, je comprends qu’il est question, à ce moment-là, du bonheur dans la vie, et des malheurs de l’existence.
Voilà bien un énoncé fait pour me rebuter immédiatement. Ces considérations … essentielles, autant qu’existentielles, oui, bien sûr, pourquoi pas ? Cependant, de les aborder à ce niveau de généralité, comment est-ce envisageable ?
Mais, après tout, qu’une question soit mal posée ne fait pas que cette question soit comme nulle et non avenue. Si « le bonheur » et « le malheur », tels qu’ils peuvent être « pour tout le monde », ne me concernent pas (je ne suis pas, moi, « tout le monde », bien sûr), et bien, rien que de les entendre évoqués, cela a suffit, aujourd’hui, à me faire revenir sur ce qu’ils seraient pour moi en particulier.








Donc, il s’agit de ce que l’on peut désigner sûrement les raisons d’un malheur, mais non pas celles du bonheur… Le malheur déterminable et le bonheur évanescent… Que le premier soit toujours prévisible, et que, comme tel, on peut toujours espérer l’éviter. Mais que, quant au bonheur, quoiqu’il arrive, que faire d’autre, sinon accepter qu’il arrive ?

De toute façon, un malheur, on sait ce que c’est : un événement. C’est une perte, une destruction de ses biens, la détérioration de son corps, l’exil, ou l’abandon, etc.
Le bonheur est-il un événement ?
Bien sûr, on parle d’heureux événements, et de malheureux événements. Mais on sait bien que ce dont nous parlons ici, ce sont des « états de l’être ». Alors, le chagrin, la tristesse, l’abattement, oui, voilà des états de l’être qui se peuvent mesurer au bonheur…
De même, le bonheur, ce serait… la richesse ? la gloire ? l’amour ? une satisfaction, toujours, en quelque sorte ?
Mais non, on le sait, le bonheur, ce n’est pas quelque chose que l’on a, mais qu’il est dans ce que nous sommes - s’il doit être. On le sait bien, que, si c’est un malheur de perdre son amour, ce n’est pas d’avoir un amour qui nous rendra heureux. Ni heureux – ni malheureux, d’ailleurs.
Alors ?
Le bonheur, il ne me viendra pas de ce que me serait un jour venu l’amour, mais de ce que je suis présent, dans le temps, à ce qui me vient là, à chaque moment qu’il me vient.


Un bonheur c'est comme une fleur.

On peut bien la cultiver, mais elle s'ouvrira quand elle veut.
Un bonheur, c'est un 'moment', qui est ce qu'il est par tout ce qui le tient à sa place dans le temps : attaché à ce qui le précède comme à tout ce qui lui succédera - peut-être. Il peut tenir de la façon dont on l'a espéré, mais sans qu’on le voir venir comme il est cependant. 

C'est elle, bien sûr, la fleur seule, qu’il semble que l'on respire et admire...
Mais elle est ce qu'elle est, une expression provisoire, admirable, parce qu’elle est l'expression de toute l’espèce dont elle procède, et de toute cette plante qui la porte, attachée à sa tige, protégée par ses feuilles, nourrie par ses racines, et aussi, un peu, de ceux qui l’ont cultivée...

Comme une heure bonne, une fleur n’est qu’un moment dans le temps. Oui : elle éclot, s’ouvre et se déploie, et se fane. On a tous récité cela. Mais c’est pourquoi aussi elle est l’expression du tout du Temps.

Oui, floraison est le bonheur





mercredi 19 octobre 2016

UN REFLET DEVANT SOI FLAGRANT




- Étant donné... une image étant donnée..., cette image, que vous voyez là :



- Une autre (*), encore proposée pour servir de motif à une composition musicale ?
- Oui, et toujours aussi librement, dans sa forme, son style, son genre. Il est seulement attendu que le morceau soumis sera « original », c’est-à-dire qu’il devra avoir été composé entre le 1er et le 23 octobre 2016 : http://fr.audiofanzine.com/projets-collectifs/news/a.play,n.34228.html
- En définitive, la seule contrainte demeure l’échéance pour rendre sa copie ?
- Oui, et que le contenu de celle-ci soit « en rapport » avec l’image.
- L’image… Elle n’est pas banale. Quel est son auteur ?
- Giorgia Napoletano. On la trouve ici : http://giorgianapoletano.weebly.com/
- Composer de la musique « à partir » d’une image ?
- Vous vous demandez comment cela est possible ?
- Non, pas vraiment. Ce n’est pas la « possibilité » qui me semble problématique. On peut faire n’importe quoi à partir de n’importe quoi. Je veux dire que n’importe quoi peut provoquer une émotion, un désir, ou une réflexion… et que ces mouvements du sentiment, de la volonté, de l’entendement, ils peuvent eux-mêmes provoquer, chez certains d’entre nous, un besoin de créer des formes qui en seront, d’une façon ou d’une autre, comme des « expressions », formes elles-mêmes destinées à provoquer, chez ceux qui les recevront, émotions, désirs et réflexions…
- Oui, c’est le cycle de l’art…
- Comme il y a un cycle de l’eau… qui sourd de la terre, qui coule vers l’océan, qui se sublime en vapeur qui se condense en nuages qui s’épanchent en pluies qui arrosent la terre avant de la pénétrer, et d’en revenir, en sources…
- Le « cycle de l’art » serait-il aussi vital que le cycle de l’eau ?
- Cela dépend où l’on place le principe du vital… Mais c’est trop de généralités.
- Vous avez raison. Restons pratiques.
- Alors, vous pourriez me dire comment vous avez « reçu » cette image ?
- Sans doute. Quoique… Elle me semble avoir tellement de « couches » que je suppose que certaines m’échappent. Je veux dire que, pour une part au moins, elle doit agir en moi en catimini…
- Mais, pour nous en tenir à ce qui vous serait assez clairement conscient ?
- A vrai dire, une image, ce doit d’abord être évident. Dans le sens premier du terme. Tout ce qui s’y trouve, ce ne doit être rien d’autre que ce qui s’y trouve en vue.
- Vraiment ?
- Oui, pour le reste, ce ne sont que nos interprétations…
- Mais, aussi évidente par elle-même que soit cette image, ses interprétations ne peuvent-elles pas être au moins aussi intéressantes que l’image qui les supporte ?
- Quoiqu’il en soit, le problème vient de ce que, souvent, la mécanique des interprétations se met en branle bien avant que l’on se soit donné la peine de simplement regarder l’image, elle-même. On la glose avant même d’avoir fait un premier tout de ses évidences.
- C’est dommage.
- Oui. Mais non ! Pas nécessairement : après tout, une image qui passe devant nos yeux, elle n’est souvent qu’une bribe, perdue parmi ces multitudes d’informations que nous recevons continuellement. Il n’y a aucune nécessité de principe à y prêter une attention particulière – si elle n’a pas déclenché spontanément l’envie de s’y arrêter.
- Mais, celle-ci, cette image dont nous parlons ?
- Oh, celle-ci ! Elle s’y est bien incrustée, dans mon attention. Et, avant qu’il soit besoin d’aller creuser dans mon intimité (subjective), je peux – objectivement – constater qu’elle a mis en évidence ces éléments : une jeune femme brune aux cheveux longs, habillée de noir, portant une boucle à l’oreille et une montre à son poignet gauche ; elle porte à deux mains une image, qu’elle présente frontalement à l’objectif d’une façon assez élégante, délicate, en la tenant presque du bout des doigts ; cette image est celle d’une tête de mort.
- Une image dans l’image ?
- A première vue… je pense à un reflet. Le reflet serait alors celui crâne placé devant la jeune femme, et comme la dévisageant. Mais, et c’est là où ça devenu intéressant, de mon point de vue : ce n’est pas si évident, qu’il s’agisse d’un reflet. Je crois que ce qui est mis en évidence ici, c’est justement un défaut d’évidence. Etes-vous bien sûr qu’il s’agit là, vraiment, d’un reflet dans un miroir ?
- Vous voulez dire que ce pourrait ne pas être un miroir, mais, sans doute, une vitre, derrière laquelle se tiendrait de la jeune femme, puisque l’on devine en partie sa silhouette au travers ?
- Oui, peut-être une vitre, mais sur laquelle aurait été plaquée une image découpée – une peinture ou une photographie. L’image d’un crâne ?
- Le dispositif scénique est tel que ce crâne est placé pour correspondre à l’emplacement de la tête de la jeune femme Mais il est clair, aussi, que ce n’est pas « calé » de façon si exacte que l’illusion soit bien assurée ! Non, décidément, non seulement ce crâne ne peut pas être celui – comme radiographié – de la jeune femme, mais j’ai même la sensation qu’il est, ce crâne, celui de l’un de nos très anciens ancêtres. Quelque chose de quasi préhistorique…
- Vous avez raison. Je n’avais pas vu ça… Toujours est-il qu’il y a présence d’un crâne humain. L’évidence d’une tête de mort. La mort, donc, est objectivement présente dans cette image - quelque soit la façon dont ensuite, pour soi, on considère la mort dont il serait ici question.
- Et puis, là, il ne s’agissait que de composer de la musique. Et ? ça a donné quelque chose ?
- Oui, ça a donné ça :

https://soundcloud.com/user-101895035/un-reflet-devant-soi-flagrant

- Je vois le titre : UN REFLET DEVANT SOI FLAGRANT…
- Oui, ces quelques mots se sont imposés immédiatement. Et ils ont été comme un « programme ». Mais non pas trop explicite, bien sûr.
- J’imagine… La formule est un peu… abstraite ?
- Oui. En même temps, c’est assez peu théorique : c’est bien devant soi, c’est un reflet, et c’est flagrant. Je veux dire que, en définitive, j’ai résolu que c’était un reflet. Il est flagrant que c’est un reflet, d’une façon ou d’une autre… et qu’il est devant soi.
- Je me demande si votre indication de cette « flagrance », ici, n’est pas un peu… ironique ?
- C’est bien possible… Après ce que je vous ai dit de l’indétermination de la chose.
- Cependant, comment êtes-vous donc passé de ces considérations, heu… littéraires, à de la musique ?
- Par des concepts. Comme la sensation de cette image, pour moi, s’était finalement comme cristallisée dans l’idée du reflet, du miroir reflétant le Temps…
- Le Temps ? Ah… oui… la mort.
- Oui, bien entendu. La mort, qui n’est qu’une manifestation, parmi d’autres, du Temps. D’ailleurs, j’en vois ici une autre illustration, du Temps.
- La montre au poignet de la jeune femme ?
- Oui, assez anecdotique sans doute. Ce que je vois, et ressens, surtout, c’est la surface du miroir. Avez-vous remarqué comme elle semble corrompue ? Une surface si défaite, décomposée, que le miroir en est devenu aussi translucide là que pulvérulent ici ?
- Je vois. Mais, alors, les concepts, disiez-vous, pour provoquer la musique ? Mais, le sentiment ?
- Non. Là, je ne fais pas de sentiment !
- …
- Vous savez, faut-il le rappeler : la musique ne "signifie" rien. Pour dire ça de manière très générale : la musique ne fait que nous mettre en présence d'une Forme. Et ce sont les façons dont cette Forme nous touche, qui nous font parler - et, donc, "signifier".
- En d’autres termes, ce serait la façon dont nous en parlons, de la musique, qui serait seule signifiante ?
- Exactement ! Bien entendu, nous pourrons parler, par exemple, des sentiments qu’elle provoque en nous. Mais elle-même, elle ne peut-être « sentimentale » ! C’est l’usage que nous en faisons qui peut l’être. Mais elle-même ? Elle peut être modale ou sérielle ; elle peut être « en mineur » ou « en majeur », si elle est tonale ; elle peut être à 6/8, ou bien contenir une pulsation complètement déstructurée ; elle peut être « de chambre », ou « symphonique », etc.
Mais dire qu’elle peut être par elle-même, par exemple, « sentimentale »…
Non, ça n’a pas de sens.
- D'un autre côté, c'est une image qui vous était ici proposée. Les images, elles-mêmes, ne peuvent-elles "signifier" ?
- La situation de l’image est autre. Bien sûr, les images aussi sont des Formes, qui nous touchent comme telles. Ou pas. Et de cela, de la façon dont la Forme, en elles, nous atteint, ou non, nous pourrions parler aussi. Et nous ne devrions pas nous en priver, d'en parler ! Surtout quand  il s'agit de "faire de la musique à partir d'une image". Mais il est certain que nous sommes, spontanément, plus souvent touchés par leur contenu, je veux dire : par ce qui est représenté par l’image, par son référent dans notre expérience de la réalité. Si nous voyons un reportage sur des scènes violentes, c’est sûrement la violence elle-même que nous ressentirons d’abord. Si nous voyons la photographie d’une plage ensoleillée, l’image elle-même se fera en quelque sorte transparente : au travers, nous ne ferons qu’halluciner nos futures vacances, non ?
- Mais, si j’ai bien suivi, la musique, ici, n’a pas vraiment été informée par le sentiment – de la mort, ou du temps.
- Non. Uniquement par une « idée » du Temps. Et par cette autre « idée », conséquente, que, pour appréhender la réalité du Temps, nous ne pouvons faire appel qu’à ses reflets. Qu’il faut lui tendre un miroir. Et que ce miroir, nous devons le tenir, légèrement mais fermement, de nos propres mains.
- Et ça se « formalise » musicalement ?
- Oui.
- Mais comment ?
- Est-ce bien intéressant d’en parler ici ? Le Temps, il est déjà comme inclus d’office dans toute manifestation musicale, non ? J’ai juste insisté un peu, sur cet aspect, en utilisant prioritairement des processus « répétitifs ». Mais, que la boucle répétée suive le schéma 3/3/2, ou en dérive, de savoir ça, ou ce genre de chose, est-ce bien utile à l’auditeur ? Est-ce si intéressant de savoir… que j’ai mis en œuvre quelques structures suivant le modèle « en miroir », aussi ancestral, d’ailleurs, que toutes les autres structures construites sur le principe de l’imitation : transposition, renversement ou mouvement rétrograde ?
- Ce qui est en bas se retrouve ensuite en haut, ce qui était au début se retrouve à la fin, ce genre de choses ?
_ Oui, ce genre de choses…

https://www.youtube.com/watch?v=VCmSGX0ozmM

CHASSE À L’ÉLAN

mercredi 19 octobre 2016,

J’ai commencé ma journée à l’atelier en ouvrant le volume ‘Poésie’ de Raymond Carver, publié par les Éditions de l’Olivier. C’est un geste que je fais assez souvent : ce volume est toujours là en évidence, à portée de main, pour que j’en lise une – ou plusieurs pages, à la première envie, sans avoir besoin de l’extraire d’un rayon de la bibliothèque.
Ce matin, pages 103 et 104, c’est ‘CHASSE À L’ÉLAN’.

Je ne sais rien de l’effet sur des lecteurs anglophones, de ces textes tels qu’ils ont été écrits en anglais (des États-Unis). Mais il me suffit qu’ils me percutent, moi, dans une de leurs versions françaises. Ce matin, donc, cette traduction-là, de Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, d’un poème extrait de ‘Où l’eau s’unit avec l’eau’.





Si je parle ici de ce poème, ce n’est pas pour en « dire » quoi que ce soit. Tout d’abord parce que je suppose qu’il en existe par ailleurs assez de gloses pertinentes, pour que j’éprouve le besoin d’y rajouter la mienne.
Ensuite… c’est un poème. C’est-à-dire : il suffit de le lire.
Il ne faut que s’ouvrir à ce qu’il dit, comme il le dit, simplement. Mais, de le lire en s’ouvrant à tout ce qu’il dit, en ne pensant à rien d’autre qu’à ce qu’il dit – tel quel, comme il le dit.
(Peut-être que, de pouvoir ainsi pratiquer la lecture, ce n’est pas si évident ? Peut-être. Mais, chacun pour soi !)
Je ne parlerai donc pas de ce poème (de sa réalité textuelle) ; mais je pourrais parler de la réalité de ma lecture ? La lecture – c’est-à-dire chaque lecture effective, pratique, « concrète », si l’on peut dire – c’est la seule façon possible pour que soit révélé l’être d’un texte, si je peux le dire ainsi … Mais, ce que je reçois, moi, dans ma lecture, ça n’intéresse vraiment que moi. Par contre, « ma lecture », ce matin, m’a reconduit à cet échange, dont nous sortons, provoqué par l’attribution du prix Nobel de Littérature à Bob Dylan.
La question n’étant pas, cela est dit, celle de l’évaluation de la grandeur du talent, ou même du génie, de Dylan, mais uniquement, évidemment – pour savoir si c’est un prix « de Littérature » que méritait ce lauréat-là –,  dans un « Mais, qu’est-ce que c’est donc, que la Littérature ? » …

*

Et, lisant ce poème de Raymond Carver ce matin, c’était une double illumination.
D’abord, ce que disait ces mots-là, j’en éprouvais tous les sens possibles, je crois – et il suffit ici que j’y crois pour que cela constitue toute la réalité  de ce moment-là. (Tous les sens possibles : les propres et les figurés, les explicites et les sous entendus… et la façon dont tous ces mots, dans leur choix et leur disposition rythmique, me faisant découvrir une autre existence, ailleurs, en un autre temps, réactivaient nos expériences communes, de toutes nos existences humaines…)
Et puis que, là, je faisais l’épreuve de ce qu’est la Littérature.


Pas de musique. Pas même le souvenir du grain d’une voix étrangère. Juste une élocution muette, par devers moi. Et c’est tout.