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lundi 24 juillet 2017

DÉTAILS CÉZANNIENS


(le 23 juillet 2017, une visite de l’exposition
« LES PORTRAITS DE CÉZANNE », au Musée d’Orsay)





D’abord, l’attention se porte sur les visages. C’est tout naturel.
Le « portrait » n’est-il pas le thème de l’exposition, et n’est-il pas convenu que le « portrait » d’une personne est d’abord et avant tout, sinon tout à fait exclusivement, celui de son visage ?
D’ailleurs, « dans la vie », quand nous rencontrons ceux que nous considérons comme des personnes, leurs visages, et plus particulièrement leurs regards, est bien ce vers quoi nous portons spontanément notre regard. N’est-ce pas ?
Donc, devant tous ces « portraits signés Cézanne », nous pouvons légitimement nous intéresser aux personnes portraiturées : l’oncle Dominique, l’épouse du peintre, ou son fils, ou bien ses amis, son père ou son jardinier, Vollard ou Geffroy, etc. Des personnes, parmi toutes celles qu’il rencontre – dont lui-même…
Mais, ici,  et quoi qu’on puisse en dire, nous ne sommes pas devant des personnes. Nous sommes devant des tableaux.

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Ici, c’est la peinture qui est seule présente.

Mais, le fait que l’on soit ici en spectateur fausse notre appréhension de ce que c’est, que la peinture. Ne pouvant considérer que l’œuvre accomplie – que certains peuvent ne pas hésiter à nommer le « produit » –, nous oublions qu’elle ne peut être comprise vraiment, pour ce qu’elle est, que si on la comprend comme un « indice ». (C’est-à-dire : non comme « produit », mais comme « production ».)
Cet objet, qu’est l’œuvre accomplie, ne doit être vu que comme une accumulation d’indices pouvant révéler le travail d’accomplissement.
En quelque sorte, le tableau n’est, si l’on veut, que la « scène de crime ». On n’y tient pas encore son responsable, et ses motifs. Alors, vraiment regarder un tableau, c’est enquêter.
Ce qui conduit aux détails. Vous savez : ces détails que le détective recommande toujours aux témoins de ne pas négliger…

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On peut dire que, peindre, c’est disposer de « formes et de couleurs » que l’on va arranger sur une surface. Certes. Mais c’est avant tout : prendre des décisions ; ce qui implique de s’être formé, auparavant, des raisons – de les prendre, ces décisions-là et pas telles autres.

Certes, il faut bien constater d’abord qu’il y a ici tel rouge appliqué de telle façon sur telle surface, orientée comme ceci et située dans tel endroit, dans quelle proximité de tel bleu, appliqué de telle façon sur telle surface orientée comme ça et située dans tel autre endroit, etc.
Mais on ne voit rien vraiment, si l’on ne parvient pas à comprendre pourquoi.
Quoique… Peut-être une pleine compréhension de tous les motifs restera finalement impossible ? Cependant, il faut au moins faire un effort, pour ressentir quelque chose de la nécessité des décisions prises ici, et là.

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J’ai le souvenir du titre d’un essai que le poète Dominique Fourcade avait consacré à Matisse : « Un coup de pinceau, c’est la pensée ».
Non, ce n’est pas à dire que, dans chaque coup de pinceau, une pensée est à lire, identique à celle d’un philosophe, telle qu’elle se donne à lire dans ses écrits. Non,  la pensée du peintre, telle qu’elle détermine ses coups de pinceau, n’est pas ainsi comme directement traduisible en sentences philosophiques. La peinture n’est pas la « traduction », en formes et couleurs, etc., d’une pensée qui serait, par ailleurs, pensée par tel penseur.
Cela veut seulement dire que dans le « coup de pinceau » même, dans la prise de décision qui s’impose dans l’accomplissement de tel tableau, peindre, c’est penser.
Le peintre peut penser cela que peuvent penser les philosophes (l’espace et le temps, l’existence, la permanence et le passage, l’illusion et la vérité, l’être et le vide, etc.), mais il le pense comme seuls peuvent le penser les peintres : non pas en disposant des concepts, mais des « coups de pinceaux ».
Cela est visible dans ces « portraits » peints par Cézanne.

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Dans ces « portraits » peints par Cézanne, cela est intensément visible, qu’un coup de pinceau, c’est la pensée, quand on y est attentif aux détails.
Mais il faut s’entendre sur les détails à considérer ; on pourrait dire, comme on dit, mais comme il ne faut pas le dire, que c’est sur le « niveau de détail » qu’il faut s’entendre
En fait, il ne s’agit pas de « détailler » dans le sens d’un inventaire : un chapeau melon ici, une fleur là dans un vase, ou ailleurs tenue dans ces mains jointes, et ce plastron blanc, et ce coin de table, et ces ornements du velours de ce fauteuil, ou ceux de cette tapisserie, etc.
Il s’agit de voir que les chapeaux, les fleurs et les vases, les mains et les meubles, les étoffes et les chevelures, etc., chacun de ces « détails » est, d’une certaine façon, mis sur le même plan. Chaque détail de la composition est représenté comme appartenant au même ordre de réalité. Mais sans que jamais ne s’installe la confusion !
Une tête est identifiée comme tête, une fleur comme fleur, une table comme table, etc. Non seulement chaque chose y est bien ce qu’elle est, pour celui dont le regard parcourt toutes ces parties du tableau, mais, de plus, chaque chose y est suprêmement ! Dans leurs volumes respectifs, leurs articulations réciproques, leurs couleurs propres et les reflets qu’ils se prodiguent les uns aux autres,  et comme tête, fleur, table, etc., toutes ces « choses » semblent être parvenues ici à une présence définitivement incontestable.
Et pourtant – et c’est ce que l’on peut découvrir à parcourir les détails de la facture –, toutes ces « choses » ne sont-elles pas toutes faites, 'picturalement parlant', d’un flux de formes-couleurs-textures d'origines finalement non différentiables ?

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Sans doute un philosophe a déjà pensé que, ce qui est pensé par la peinture de Cézanne, c’est que toutes les « choses » particulières, chacune identifiable comme distincte de toutes les autres, ne le sont (particulières, identifiables, distinctes) que localement, seulement par l’effet de certains arrangements.
Ces arrangements locaux, et provisoires, sont ceux de « particules de réel » (si l’on peut dire), dont les flux, les courants, innombrables, composent le visible.
Par ailleurs, ces « particules de réel », si elles ne sont pas toutes absolument identiques, peuvent être réparties, elles, en un petit nombre de catégories : obscurité, lumière, chaleur, froid, proximité, lointain, précision, incertitude…

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mercredi 19 juillet 2017

MOMMY’S GONE

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le texte de cette chanson de Béñat, MOMMY’S GONE


est ici dans une version proposée par Patrick Guillot
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De nouveau, je fixe votre portrait
Votre énigmatique regard sans vie
Pourrait-il ne me laisser qu’à moitié vide
J'aimerais tant vous voir sourire

Je choisissais un livre
Dans la bibliothèque de mon père
Quand une image tomba à mes pieds
Et j'ai demandé C'est quoi ce bazar

Je retrouvais vos yeux
Et ce profil si typiquement grec du nez
Pas de doute, le carillon de mon cœur
À toute volée ! Si vite et fort

Maman est partie
Maman est partie

J'étais bien trop jeune 
Pour me souvenir
Et je n'avais ni frère ni sœur
À qui poser les questions qui me tuent
Papa ne parlait jamais
De ce temps-là
Si je disais chercher un signe
Je voyais qu'il était blessé et essayait de se moquer de moi

Maman est partie
Maman est partie

Papa ne me laisse pas
Le silence est trop lourd
Si j'avais un fils unique dont je devais prendre soin
Je lui aurais dit
Maman est ici 
Et elle t'aime
Peu importe la négligence que tu pouvais ressentir
Maintenant tu peux ressentir
Que maman est là
Sens-la contre ta poitrine
Elle y a déposé la tendresse dont tu devais te nourrir
Maintenant tu dois la nourrir

De nouveau, je regarde par la fenêtre 
Le soleil et la pluie construisent un arc-en-ciel
La lumière de votre visage 
M’est comme une consolation 
En ce lieu paisible



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Again, I look at your photograph
Your lifeless enigmatic eyes
May emptiness be sometimes half
I would have liked seeing your smile

I was picking a book
In my daddy's reading-room
When a picture fell to my feet
And I wondered what this hell could be

I got your eyes
And this typical greek nose of profile
No doubt, the jingle of my heart
Take off! So fast and hard

Mommy's gone
Mommy's gone

I was far too young
To remember
And I got nor brother nor sister
To ask questions which 're killing me
Dad never spoke
About that time
When I said I was looking for a sign
I knew he was hurt and tried to kid me

Mommy's gone
Mommy's gone

Daddy don't let me
Silence 's too much to bear
If I had an only son I should care
I would have told him
Mommy's here
And she loved you
No matter neglect which you might feel
Now you may feel
Mommy's there
Feel her in your chest
She put her kindness in you have to feed
Now you must feed
Again, I look through the window
Sun and rain train a rainbow
Light on your face
Leaves me some grace
In this peaceful place





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C’est une expérience commune : quelqu’un vous parle, que vous écoutez.
Et vous avez assez de bonnes raisons de penser que vous l’écoutez aussi attentivement qu’il vous est possible.
D’ailleurs, il n’y a rien qui parasite l’émission de ses paroles, et rien non plus qui vienne en parasiter la réception.
Mais, c’est seulement que vous l’entendez “à votre façon” – et, comment pourrait-il en être autrement ? Vous n’avez pas d’autre “façon” que la vôtre à votre disposition.
C’est pourquoi nous sommes toujours en train de “traduire”, sans même avoir la moindre idée que c’est ce que nous faisons – quand bien même celui que nous écoutons parle notre langue.

Et puis, il y a la traduction obligée, quand nous sommes devant une parole dans une langue étrangère : une langue dont nous ne maîtrisons pas assez l’usage, que nous ne comprenons pas aussi immédiatement que nous comprenons la nôtre.
Certes, c’est une “obligation”. Mais c’est bien autre chose qu’un simple intérêt pratique, que je trouve à l’exercice de la traduction d’un texte, quand l’occasion s’en présente – comme c’est le cas ici -, quand l’intérêt de ce texte n’est pas tant pratique que poétique !

Donc, ici, une traduction « à ma façon ».
Ce qui signifie que son point d’appui - sa motivation profonde -  n’est pas dans le contenu littéral du texte originel, mais dans ce que, moi, je comprends (bien ou mal) de la motivation profonde de l’auteur.
En effet, le texte originel est déjà comme une traduction – mais d’un « texte » qui n’est pas fait de mots, mais d’un complexe d’émotions-sensations-visions-sentiments- pensées, etc.
C’est ce « texte » qu’il s’agit de retrouver… Ce « morceau » de l’existence de l’auteur qui lui a fait écrire, comme il a écrit.


C’est pourquoi toute traduction est toujours, essentiellement, contestable.

mercredi 12 juillet 2017

DOUBLE PEAU_SCHIZO

DOUBLE PEAU (SCHIZOPHRÉNIE) :

D_ Encore une musique inspirée par une image ?

R_ Oui. Inspirée par cette image-ci, ou, plus exactement, par ce que moi je reçois, ressens et pense, de cette image.
  



D_ Alors ?

R_ L’histoire de la fille sur la photo ? Oh, d’abord, rien que les aspects évidents : ces yeux tournés vers l’intérieur, les paupières mi closes. La fille, je la sens perdue dans ses rêves… Ce visage semble n’exprimer aucun sentiment particulier, ni joie ni tristesse vraiment, ni bonheur ni peine…

D_ Elle n’éprouve rien ?

R_ Oh, non ; je ne crois pas qu’elle ne ressente rien. C’est seulement que, ce qu’elle ressent, elle ne pense pas devoir, ou pouvoir, l’exprimer.
Vous voyez : exprimer…, comme on dit que l’on exprime le jus d’une orange, pour le faire sortir vers l’extérieur.

D_ Donc, ce qu’elle ressent n’est pas destiné à être exprimé à l’attention de qui que ce soit qui lui soit extérieur ?

R_ En quelque sorte… Mais peut-être est-elle dépourvue de tout moyen de se connecter véritablement à l’extérieur.

D_ Cette image peut être, aussi, celle d’une double réalité : intérieur / extérieur ?

R_ C’est possible. Pour l’extérieur, un visage tout lisse. Sage. Réservé, dirait-on…

D_ Mais, se réserver, c’est se contenir, ce n’est pas être vide.

R_ Je pense que, chez cette fille, cette apparence de réserve est l’effet d’une duplicité existentielle : il doit s’agir pour elle de donner l’apparence de la vacuité, pour ne pas risquer d’être atteinte dans son intimité…
Et puis, tout de même, dans cette image, dans cette photographie, il n’y a pas seulement la représentation d’une tête, de cette tête-ci, mais aussi tout le dispositif (photo)graphique, mis en œuvre par le photographe, pour la représenter comme ci et comme ça,
Et ce dispositif, lui-même, me semble duplice…
Il doit viser à ce que l’on détache son attention de la partie objective de la scène, pour y laisser venir autre chose, qui puisse s’y superposer…

D_ Mais quelle « autre chose » ?

R_ Peut-être, chez la fille, l’anticipation de sa prochaine décrépitude ? La manifestation des effets corrupteurs de ce temps qui, dit-on, « passe ». Mais dans lequel, en vérité, c’est nous qui passons.
Et puis, à l’image, devant le visage si propre de cette fille, à l’extérieur presque parfaitement clos, il y a cette surface au premier plan : est-elle celle d’un miroir, ou celle d’une vitre ? Là où le visage se reflète ? Ou bien par où il faut passer, pour enfin parvenir au visage ?

D_ En effet, cette surface semble être celle d’une peau, d’une autre peau, qui pèle ? ou tavelée, grattée… Cette surface dégradée est-elle la représentation de son monde intérieur ? Des rêves, ou des cauchemars, qui l’occupent ?

R_ C’est une interprétation possible de cette image, qui fait qu’elle peut en effet sembler représenter une forme de dédoublement… schizophrénique ?

D_ Ou bien d’un comportement autistique ?

R_ Misère ! Non, pas d’autisme. Comment faire parler l’image alors ?
Alors, que, chez un schizophrène…

D_ L’autiste ne dit rien, mais le schizophrène parle trop ? Vous voulez dire qu’il y a foule, chez lui ? Qu’il y sont trop nombreux à vouloir parler ?

R_ En tout cas, il y en a bien assez qui parlent, ici, pour faire trois ou quatre minutes de musique de ce qu’ils nous disent.

D_ Et alors ? Justement, en musique, ça passe comment, ça ?

R_ Oh, je pensais que ça devait s’entendre… Non, ça ne s’entend pas ? 


D_ Donc, il y a d'un côté cette « émotion ». Il y a cette mise en mouvement de l'imagination, provoquée par une rencontre avec un fait. Un fait de la nature ou de la culture, un paysage, ou un événement humain, politique ou intime, social ou personnel, scientifique ou poétique, etc. Un fait que l’on pourrait dire divers…
Pour ce qui nous concerne ici, c’est un fait dont le vecteur est une photographie.
Et cette émotion-là va suivre son chemin, qui lui est propre.

R_ Et, d'un autre côté, il y a la « composition ». Ici, une musique censée être, au moins en partie, le produit de mon imagination, telle qu'elle aura été mise en mouvement, d’une façon ou d’une autre, par l'émotion provoquée par la photographie.

D_ L'émotion, ressentie devant la photographie, c’est ici une part de la motivation. La photographie devient alors comme le « motif » d'une composition musicale… comme on peut dire que la montagne Sainte-Victoire a été le « motif » de Cézanne, quand sa présence provoquait ce que le peintre nommait, modestement, « sa petite sensation » ?

R_  La référence est écrasante. Mais, dans le principe, c’est ça, je crois. Quoi qu’il en soit, de son côté, cette activité de composition (musicale ou picturale) suivra elle aussi son chemin propre - qui ne peut pas être celui suivi par l'émotion. Les « logiques de cheminement » respectives de l’émotion et de la composition ne se confondent pas. Et c'est pourquoi, en définitive, la description du chemin que suit de son côté l'émotion ne peut rien dire, vraiment, du chemin que va suivre de son côté la composition. 
C’est pourquoi, il y a un instant, après n’avoir produit qu’un relevé de ce que  me "disait" l'image - et qui pouvait en effet me motiver à composer "quelque chose" –, quand il a été question de la musique elle-même, j’ai calé.
D_ Quand je vois que la première indication notée sur votre petit carnet est : "Entrelacs dans l'aigu / sur bourdon grave en pulsations égales - comme une respiration"... Quel rapport avec l'image ?

R_ Sans doute un rapport un peu… analogico-poético-psy ? Mais sûrement pas musical à proprement parler.
Cependant, c'est ce rapport énigmatique qui impulse l'affaire. C’est là où je quitte le monde de l'image, pour entrer dans celui du musical : « aigu, grave, bourdon, pulsations... ». C’est là où je peux indiquer que, dans l'aigu, ce seront d'abord deux ligne qui s'entrelaceront.

D_ Ah oui ! Deux voix, c’est l’idée du double ? La « double peau » ?

R_ Sans doute… L’idée d’un ‘canon à deux voix’ peut encore être en rapport assez direct avec mon interprétation littéraire de l’image, c’est vrai…

D_ Un canon ? Comme « Frère Jacques » ? Là où une seconde voix vient, avec un certain retard,  se superposer à la première, en l’imitant plus ou moins régulièrement ?

R_ Oui, ce procédé là. Tout l’intérêt du jeu étant de déterminer comment on définit la « régularité », et le « plus ou moins », et comment on calibre le « retard ».

D_ Et là, ça se passe comment ?

R_ Il faut dire d’abord que les lignes, de chacune des voix, sont constituées de la répétition d’un même motif, fixé une fois pour toutes.

D_ Une fois pour toutes ?

R_ Oui, mais, ce qui caractérise le motif répété, ce n’est rien que son profil rythmique. Plus précisément : rien qu’une succession de durées. Elles seraient inscrites dans une « mesure » que les manuels de solfège nomment, assez curieusement, « composée ».

D_ Curieusement ?

R_ Oui, parce que, en fait, cela signifie seulement que les « temps », les unités de la pulsation, sont ternaires, c’est-à-dire divisibles par 3, et par ses multiples, 6, 9… Les mesures dont les temps sont binaires étant dites, elles, « simples ».

D_ Je comprends.

R_ Ah oui ? Vous avez de la chance. Moi, personne ne m’a jamais expliqué pourquoi une succession de temps binaires devait produire une mesure « simple », et une succession de temps ternaires une mesure « composée »…

D_ Je voulais juste dire que j’avais bien saisi le caractère distinctif. Mais, ce qui définit la « mesure » c’est bien la quantité de battements, de deux, trois, ou quatre « temps » ?  C’est-à-dire : les durées relatives de la « détente » et de la « tension », dont une succession compose un cycle, une pulsation, comprise entre deux retours du moment de détente ?

R_ Oui, c’est une façon de présenter les choses. Ceci dit, pour ce qui concerne ce morceau, l’indication conventionnelle d’une telle « mesure » y est arbitraire. Ce n’est que par commodité que je m’en tiens à une « mesure à  quatre temps ». En effet, les profils rythmiques des motifs I et II ne sont pas parfaitement identiques ; l’imitation du motif I par le motif II n’est pas régulière : le motif II est juste obtenu en ajoutant une note, d'une valeur d'un temps, au début du motif I.
En conséquence…

D_ En conséquence, le motif II est plus long, d’un temps, que le motif I. 



R_ Exactement : le motif I dure 5 temps, et le motif II dure 6 temps.

D_ Donc, fixer une « mesure », le nombre de temps d’un cycle régulier de pulsations, c’est ici tout à fait inutile, musicalement parlant ?

R_ Ce serait utile pour que des instrumentistes s’y retrouvent, mais ici, musicalement parlant, c’est en effet insignifiant.

D_ Donc, pour résumer : je me souviens que vous disposez de deux voix, I et II, dont les lignes résultent chacune de la reprise d’un motif de dimensions inégales (respectivement 5 et 6 temps)
Quel usage allez-vous faire des dimensions inégales de ces motifs ?

R_ L’idée était de juxtaposer ces deux lignes, la voix I et la voix II, de façon à ce que, quel que soit, au départ, le retard de l’une sur l’autre, et chacune gardant son propre profil et sa durée, et sans du tout faire le moindre effort pour se modifier d’elle-même afin de s’adapter à l’autre, elles se retrouvent toutes deux coïncider, finalement.

D_ Cela part dans le désordre pour se retrouver dans l’ordre ?

R_ Pour ma part, ce qui m’intéresse n’est pas tant d’organiser un conflit entre ordre et désordre que… Mais…

D_ Oui ? Mais quoi ?

R_ C’est assez difficile à dire en une formule.

D_ Faites un effort.

R_ Ce que je vise, je crois, c’est de créer comme un paysage, où c’est toujours la même chose, sans être jamais la même chose…

D_ Je vois…

R_ Vous voyez ?

D_ Oui, je vois ! Je vois les nuages… Je vois les vagues… Je vois le remuement des feuilles dans le vent… je vois des choses comme ça.

R_ Cela me convient ! Bien vu…

D_ Mais revenons à la pratique ! Donc, les voix I et II sont juxtaposées de façon à ce que, quel que soit le retard de l’une sur l’autre au départ, et aucune n’étant modifiée en cours de route, elles se retrouvent coïncider à un moment… qui marquera la fin de la séquence, je suppose.

R_ Oui, la fin d’une séquence. Le morceau pouvant être constitué par la succession d’un certain nombre de ces séquences, bien sûr.

D_ Mais, il y a une infinité de combinaisons possibles, à partir de votre recette ?

R_ Oh non, pas une infinité ! Heureusement, la pratique musicale s’en tenant aux événements audibles, humainement discernables, on y évite de jongler avec tous les nombres réels… et autres imaginaires… Bref, là, je m’en tiens au nombre entier primordial, à cette simple unité, à cet unique temps de retard.

D_ Ah oui. Je m’en souviens : par rapport à la voix I,  la voix II part avec un « temps » de retard, et un seul, et entier, ni plus ni moins ?

R_ Exactement. Et ce sera le cas pour chacune des séquences composant le morceau.

D_ Vous vous privez là de beaucoup de possibilités de renouvellement au cours du morceau ?

R_ C’est un choix. Qui résulte en partie du format décidé au départ : entre 3 et 4 minutes. Je tiens, dans la variation, à un bon dosage entre sa densité et sa dimension : point trop n’en faut. Trop varier, c’est ne plus rien varier. Etc.
Et puis, surtout, il s’agit de savoir sur quel aspect du matériau on va jouer pour faire évoluer son « discours ». Et, ici, ce dispositif rythmique n’est qu’un des aspects, parmi quelques autres.

D_ Oui, sans doute, nous n’avons encore rien dit des aspects mélodico-harmoniques, et de l’orchestration. Mais, restons-en, un moment encore, au dispositif rythmique, si vous le voulez bien…
Si, pour chaque séquence, la ligne II part avec un « temps » de retard sur la ligne I, et si les motifs I et II, dont les répétitions composent respectivement les lignes I et II, ont une durée, respectivement, de 5 et de 6 temps…
Si je compte bien…

R_ Si vous comptez, bien, vous arrivez à ce résultat que, dans ces conditions fixées, pour que les deux lignes finissent simultanément, bien « synchros », et bien, il y faut 5 réitérations du motif I (composant la ligne I), et 4 réitérations du motif II (composant la ligne II). Et…

D_ Et bien quoi ?
  


R_ Et bien, c’est là où nous rejoignons des préoccupations plus mélodico-harmoniques, comme vous dites. Et surtout, d’ailleurs, essentiellement harmoniques. En effet, chacune des cinq réitérations du motif I va « consommer » un accord distinct.

D_ Donc, à la voix I,  pour les 5 réitérations composant une séquence, il faut une suite de 5 accords distincts. Et, la voix II va jouer avec une série de 4 accords, différents des 5 de la voix I ?

R_ Certes non ! Quelle pagaille polytonale !
Vous savez bien que, pour que ce ne soit jamais la même chose de façon assez intéressante, il faut aussi que ce soit un peu, quelque part, toujours la même chose.
Ici, il n’est pas permis aux 4 réitérations composant la voix II d’utiliser une autre suite que celle des 5 accords consommés dans la succession des 5 réitérations composant la voix I.

D_ Il n’y a pas ici « comme un problème » ?

R_ Oh, rien d’autre qu’une petite contrainte. Mais c’est une de ces contraintes qui, parfois, excitent heureusement l’invention.
C’est elle qui va, ici, faire que la voix II se « déhanche », en quelque sorte, de façon à ce que ses 4 réitérations se calent, harmoniquement, avec les 5 réitérations de la voix I.
C’est obtenu de façon tout à fait traditionnelle : en jouant sur les « notes communes » à deux accords se succédant.

D_ Pas d’autres procédés ?

R_ Non : pas de « notes de passages ». Aucun recours à un « retard » ici, à une « anticipation » là. D’ailleurs, ces procédés n’ont de sens que dans le contexte d’une musique tonale.

D_ Pourtant, à l’oreille, je n’entends pas ici d’harmonies… exotiques, et encore moins atonales ?

R_ Pourriez-vous cependant dire avec assurance dans quelle « tonalité » est ce morceau ?

D_ A vrai dire, j’avoue que… c’est fluctuant ! Comme si le sol, sur lequel on pensait avoir pris pied, glissait… On ne sait pas trop où on en est, en définitive.

R_ C’est juste. C’est que, d’abord, les accords sont tous bien « consonants ». Pour chaque séquence, une suite de cinq accords : après une amorce par une septième majeure, les quatre suivants sont toujours de ces bons vieux accords dits « parfaits », qui ne sont pas faits pour dérouter.

D_ Pourtant, on ne sait jamais trop comment est orientée la route… Est-ce à cause de ce défaut d’orientation définie, que vous dites que cette musique n’est pas tonale ?

R_ Tout à fait : elle ne joue pas vraiment le jeu de la tonalité, qui veut que le discours musical, quelque soient ses détours, reste toujours, au bout de la route, orientée par l’attraction d’une tonique

D_ Alors, comment contrôlez-vous les dérapages de votre véhicule, sans le laisser s’écraser contre un arbre, ou s’embourber dans un fossé ?

R_ Soyons de nouveau pratiques : je dispose lors de la première séquence d’une suite de cinq accords (suite prise ailleurs, d’ailleurs !), et qui sont, dans la gamme de Mi majeur : VI 7, V, IV, III, I.

D_ Ah ! Vous utilisez le chiffrage classique. Ces chiffres romains désignant, parmi les degrés de la gamme, ceux qui constitueront les « fondamentales » de chacun de ces accords. Si je traduis en langage d’aujourd’hui, ça peut donner : Do#7 M, Si M, La M, Sol# m, Mi M.

R_ Je suppose que c’est correct. Mais, une fois posé ce matériau, cette succession d’accords, ce avec quoi j’ai joué, c’est à une espèce de ronde…
Imaginez cinq enfants qui font une chaine, et qui, à chaque fois qu’ils auront traversé la cour, devront revenir en laissant le dernier de la file y prendre la première place… Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les cinq enfants, chacun à son tour, ait occupé une fois cette première place.

D_ Pour la commodité de la lecture, laissez-moi remplacer chacun de nos cinq accords par son numéro d’ordre… Je vais donc obtenir ces cinq séquences :
1 2 3 4 5
2 3 4 5 1
3 4 5 1 2
4 5 1 2 3
Et : 5 1 2 3 4.

R_ Où l’on voit que l’on ne peut pas poursuivre le jeu, une sixième fois, sans revenir à l’ordre initial. C’est pourquoi il est temps de « sortir du cadre » !

D_ Le faut-il ?

R_ Muss es sein ? Es muss sein !
Oui, il le faut. Mais, je vous l’accorde : c’est une décision d’ordre esthétique. Après tout, on peut aussi très bien concevoir autre chose, et même une « musique sans fin ».  Cela se trouve, n’est-ce pas ? Après tout : pourquoi s’arrêter là plutôt qu’ailleurs, plus loin ? Ou bien jamais ?
Mais ce n’est pas mon choix.
Il suffit d’ailleurs que je décide que le morceau ne durera pas plus de quatre minutes. Donner l’idée d’une musique « infinie » dans ce court laps de temps…

D_ Ce serait présomptueux, c’est cela ?

R_ Je crois. Donc, arrive ce moment, à la fin de la cinquième séquence, où il est temps de « sortir du cadre ». Il est temps de rompre la continuité en cours, et de conclure, d’une façon ou d’une autre. C’est pour tenir compte du format préalablement choisi que la sixième séquence devait être, ici, la dernière.
Classiquement, la dernière marche ne peut avoir le même dessin que celles qui l’ont précédée. A moins que l’on veuille donner le sentiment d’un arrêt involontaire, en plein élan, - ce qui n’était pas mon intention ici. Pour marquer que c’est la fin, il faut donc qu’il se passe quelque chose, quelque chose d’assez imprévu, nouveau…

D_ Une modification du dispositif rythmique ?

R_ Pas ici, non. Je ne sais pas si cela s’est fait « spontanément », ou bien par le moyen d’une réflexion instantanée, mais je suppose qu’il m’a semblé, compte tenu de la prégnance de ce dispositif rythmique tout au long du morceau, qu’en changer signifiait changer de morceau. Cela aurait signifié : là, on passe à un autre mouvement. Et moi, je ne voulais que clore ce mouvement en cours. Donc, j’ai pensé qu’une modification de la « grille » harmonique, seule, serait convenable.

D_ Une modulation finale, pour clore un morceau répétitif ? Cela me dit quelque chose…

R_ Vous devez penser au « fameux » Boléro de Maurice Ravel ?

D_ Ah ! Oui… Sûrement. Y avez-vous pensé ?

R_ Non, pas à ce moment-là. Mais après coup, j’ai fait le rapprochement. Heureusement que, par ailleurs, rien dans mon morceau n’est « boléresque »…
Donc : une « modulation ». Comme son nom ne l’indique pas, une modulation doit être un changement de tonalité, qu’il y ait, ou non, un changement de mode (majeur / mineur).
Donc, pour la sixième séquence, je délaisse ces cinq accords qui sont passés en boucle depuis le début. C’est maintenant un tout nouvel enchainement. Tout d’abord, j’efface les 4 dièses qui sont à la clé depuis le début. Je transcris ainsi la grille finale, telle que « réalisée » par le choral à 4 voix qui soutient alors l’édifice :

Ré-la-fa#-do  / Mi-si-sol-si  / Do-mi-sol-do / La-fa-la-do / La-mi-la-do

D_ Si j’entends bien : l’accord de 7ème de dominante (en Sol), puis Mi m, Do M, puis le 1er renversement de Fa M (accord de sixte), pour finir par un La mineur bien posé…

R_ Vous n’y cherchez plus le chiffrage des fondamentales ?

D_ Vous me « faites marcher » ! Nous l’avons dit, pour chiffrer ainsi il faut avoir repéré un « premier degré », une tonique, assez stable. Et là… J’ai du mal à en saisir une, de tonique – qui tienne la route.

R_ C’est fait pour !

D_ C’est fait pour que l’on ne trouve pas de tonique ? Alors, reçu, cinq sur cinq ! Donc, pour achever votre mouvement, vous venez de dissoudre, à votre façon, la continuité.
Mais, il y a d’autres ruptures de continuité, à d’autres endroits, au cours de ce morceau, n’est-ce pas ?

R_ Oui, bien sûr. Vous vous souvenez de mon principe : « Toujours la même chose, mais jamais la même chose. »
Vous avez repéré ces ruptures ?

D_ Et bien, si je remonte un peu en arrière, à 1 :15, est-ce qu’il n’arrive pas quelque chose, qui n’arrive que là ?

R_ Oui. Pour la séquence n° 3.  Quelque chose arrive qui n’arrive que là, mais au moyen d’un procédé bien traditionnel. Dans toutes les autres séquences, et déroulés sur une unité de temps figurée en croches, les « entrelacs thématiques » ont un débit imperturbable. Mais ici viennent se superposer des arpèges dans un débit deux fois plus rapide – en double croches -, brodant autour des accords donnés.

D_ Ces arpèges, joués par piano et trompette, viennent « colorer » la masse… Ces figures forment ici comme une seconde peau ?

R_ Ah ! Oui… Amusant… Oui, le double de la peau. D’ailleurs, autrefois, on nommait « doubles » ces variations en valeurs rapides dans un débit assez continu. Ici, ce n’est qu’une modification superficielle.

D_ La surface scintille d’une façon particulière…

R_ Mais ça ne change rien au fond de l’affaire.

D_ Je remarque que nous avons à peine évoqué le « bourdon » ?

R_ Sans doute parce que c’est l’élément le plus évident ? Le plus démonstratif ?
En tout cas, il est pour moi l’élément à proprement parler « fondamental ». Celui qui compose le « fond », qui non seulement permet aux « figures » de se détacher mais, déjà, qu’elles puissent apparaître telles qu’elles sont.
Vous savez… je suis régulièrement intéressé par les possibilités de « faire de la musique » avec des « bruits » - pour dire les choses rapidement. Ici, je me suis dit que j’allais composer un « bruit » avec des instruments destinés à produire de la musique.

D_ Vous parlez de ce « bruit d’une respiration » ?

R_ Oui, ce bruit qui peut être celui de la respiration, du souffle régulier d’une personne qui sommeille, ou bien qui oscille entre les deux mondes : le diurne extérieur, et le nocturne intérieur. J’avais programmé que ce « bourdon grave en pulsations égales - comme une respiration » serait, comme tout bourdon qui se respecte, une figure obstinée, présente tout du long. Mais, en définitive, comme la matière par-dessus se trouvait être déjà bien assez épaisse…

D_ Vous avez préféré faire de la place, et ne pas encombrer l’espace sonore ?

R_ Quand on veut donner la sensation que ça n’arrête pas, pas besoin que ça continue tout le temps ! Je fais confiance à cette espèce de « persistance auditive » - comme il y a une persistance rétinienne - qui fait que c’est la mémoire qui fait le job. On n’entend plus, mais on a entendu assez, et l’on va assez réentendre, et cela fait que, au bout du compte, on croit avoir entendu sans interruption.

D_ A propos d’espace sonore : pour l’occuper, vous ne vous contentez pas de ce seul entrelacs de deux lignes !

R_ C’est entendu ! Si l’on réduit le tout à sa structure « polyphonique », on y trouve en effet :
un « trio chantant », puisqu’une ligne de basse vient régulièrement, mais dans un débit plus détendu, se mêler aux deux voix supérieures du canon ;
et le « choral » à quatre voix, quasiment et traditionnellement homophonique, en valeurs quatre ou cinq fois plus longues, qui correspondent aux changement d’harmonies.
Soit, donc, sans compter les doublures, sept voix.

D_ Pour revenir à, et en finir avec, ce… faux-bourdon, et aux ruptures de continuité que nous voulions repérer, il y a aussi la transition avec la dernière séquence, la « modulante ». Ce n’est plus le seul bourdon qui est à découvert, mais des tenues, comme des résonances qui s’extraient des mélismes de la séquence finissante, pour aller se fondre dans les mélismes de la suivante…

  



 R_ D’autres « accidents » sont organisés… Dans mon « programme », il devait donc y avoir six séquences : les cinq rotations de nos cinq accords initiaux, suivies de cette séquence, modulante, qui devait être la dernière… en principe !

R_ Oui, parce que, en toute fin, alors que le bourdon s’éteint doucement, que l’on peut croire que tout est consommé…, il y a ces mélismes thématiques, uniquement exposés dans ces couleurs « célestes », un peu désincarnées ?

R_ Ils sont une remémoration. Ils sont empruntés à la substance orchestrale d’une séquence passée, la seconde, de 0 :44 à 1 :10.

D_ Est-ce pour contrebalancer préventivement cet effet final, aérien, de retour vers le passé, qu’auparavant, à un autre moment du cours des choses, on a anticipé sur ce qui est à venir, mais en explorant alors les profondeurs ?

R_ Je suppose que vous désignez cette mise à découvert, de 2 :20 à 2 :45,  de la seule grille harmonique, présentée en choral, alors coloré par ces graves assez puissants ? En effet, c’est sur ce choral, pris tel quel, que s’appuiera la séquence immédiatement à suivre.

D_ Ces deux séquences « bis », ajoutées après coup, dites-vous, « hors programme », est-ce qu’elles ne sont pas destinées à découvrir un moment les entrailles d’une masse sonore par ailleurs assez… ou trop épaisse ? Ces deux séquences, le « choral », et le duo « céleste » final, ils me font l’effet de ces « vues d’écorchés » qui servent aux études anatomiques ?

R_....

D_ Est-ce que votre dispositif n’est pas simplement, en quelque sorte, un réemploi du dispositif « thème et variations », si souvent mis à contribution tout au long de l’histoire de la musique ?

R_ Oui, « en quelque sorte », comme vous dites. Sauf que, vous l’avez compris, ici, le thème…, ce n’est pas ce que l’on appelait un thème !