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mercredi 8 juin 2016

Café Society _ Woody Allen


Café Society

        ... Ce Woody Allen... comme il sait parler de la légèreté (insoutenable) avec sérieux, sinon avec pesanteur, mais surtout, comme il sait parler de toutes nos pesanteurs avec légèreté... ou, autrement dit, comme il montre la surface avec profondeur, et comme il parle des profondeurs avec... avec tout ce qui peut en remonter à la surface, pour être, ainsi, gravé dans l'image cinématographique.

Il peut ainsi nous parler de tout, c'est-à-dire tout nous montrer à l'écran du tout de l'existence : la vie la mort, et l'amour et la fidélité et le désir, les ambitions et le renoncement, et de la métaphysique et des vanités…, mais c’est toujours, tout ça, avec « l'air de ne pas y toucher ».
Ce peut être d’abord par la grâce d’une fluidité dans le récit – telle que l'on peut ne même pas ressentir que, là devant, c'est qu’un type qui nous raconte une histoire...
Mais ça, ce doit être juste l’élégance du virtuose qui n'étale pas sa virtuosité – parce qu’elle est depuis longtemps devenue spontanée : sûreté du casting, évolutions des acteurs, cadrage juste et montage évident, agencement du scénario, etc.
Non, cette discrétion de la présence d'un auteur – qui n’est en rien une absence de style ! –,  cet « air de ne pas y toucher », il doit aussi, plus essentiellement, provenir d’une distance assumée.

© GC Images

Au cinéma, comme au théâtre ou dans la littérature romanesque, dans toute œuvre dramatique conséquente, un des motifs du contenu doit être la distance entre l'auteur et ses personnages. Il faut alors éviter l’erreur de ne considérer cette distance que comme « effet à faire », ou comme « truc » de conteur. Que l'auteur en personne semble monter sur scène, ou se montrer à l’écran,  plus ou moins artificieusement, qu’il se dévoile symboliquement par l'intermédiaire de la voix off, ou sous le masque plus ou moins transparent de l'un de ses personnages, ou bien qu’il se manifeste comme démiurge au travers des destinées qu'il leur fixe, aux uns et aux autres (en récompensant les gentils et en punissant les méchants, par exemple), cette distance – morale – est là partout, dans le moindre mouvement de travelling comme le dit un autre...
L’humour, dans les films de Woody Allen, ne doit pas être compris comme une des « spécialités de la maison » ! Il n’est qu’un des modes de manifestation, parmi d’autres, de cette distance-là.

Cette distance que Woody Allen fixe et maintient entre son activité d’auteur conscient, et les parcours de ses personnages, cette distance me convient exactement. Et c'est pourquoi, sans doute, j'aime, en profondeur, ses films. Cela n’a pas besoin d’être plus raisonné que ça.

Cette distance, c’est elle, en définitive, qui produit cette tension particulière à son œuvre – qui vient de ce que les personnages sont bien décrits, en fait, tels qu'ils jouent leur vie, mais... sans pathos démonstratif, sans graisse psychologique. C’est ainsi que, en définitive, le conteur se tient en quelque sorte sur un pied d'égalité avec les personnages du conte – et de même, par conséquent, dans le temps du spectacle, le spectateur.


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