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mercredi 24 février 2016

Atelier I

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Presque sous la fenêtre que l’on vient d'entrouvrir pour profiter de la salubre fraîcheur, inespérée en cette fin d’après-midi de novembre, une colonie d’oiseaux. Tous dissimulés dans les feuillages des arbres de l’allée, ils ne se manifestent que par leurs piaillements hystériques — agrégat hétéroclite résistant à l’analyse, mais semblant vouloir à toute force s’imposer à l’espace. 
Derrière la polyrythmie touffue de la volière, tout au fond, est une confusion monotone, que l’on ne distingue que par l’effet de ruptures dans l’habitude : le bourdon des moteurs lancés en masses compactes sur les voies périphériques, et duquel semble naître comme une harmonique surnaturelle, qui s’en détache ensuite pour croître librement jusqu’à sembler avoir sa source en tous points de l’horizon et du ciel, avant de décliner tout aussi régulièrement et implacablement... Ce n’est que le résidu sonore du passage d’un « jet » au long cours, dont le pâle sillage étonne par sa minceur, lorsque par extraordinaire on l’aperçoit : comment un si vaste bruit peut-il correspondre à une si minuscule image ?

Alors, pour aujourd’hui, enfin libérés, et pour un trop bref intermède rendus à  l’état sauvage, ce sont des bandes d’écoliers s’égayant dans le square ; déformés par la distance et leurs rebonds contre les angles des immeubles qui le cernent, les échos des jeux auxquels ils se livrent maintenant sans retenue...
Les imagine-t-on être ceux des cris des oiseaux tout proches, dans lesquels ils se fondent, et avec lesquels ils peuvent être confondus. (Ou bien les volatiles en délire y entendent-ils comme l’appel de quelques lointains cousins exotiques ?)

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 Mais d’un coup toute la volière fait silence ; un silence soudain, imprévisible et d’une brutale perfection — sur le signe de quel invisible chef de chœur ? L’oreille fascinée perd un moment l’équilibre. Heureusement, rassurants, familiers,  viennent à découvert craquements et claquements de volets que l’on tire, chuintement métalliques de persiennes qui tombent. Passe le carillon de quelque église de quartier appelant à Vêpres, incongru ornement polytonal dont la dernière note s’évapore dans l’air, comme la lumière du jour décline, semble-t-il, insensiblement.
On frissonne.

Il faut bien, maintenant, refermer la fenêtre. Mais, comme sollicité pour un rappel, un oiseau reprend à petits cris grêles, bientôt suivi par un autre, et puis la multitude enhardie. Mais ce n’est plus l’ivresse unanime. On devine que chacun joue sa cadence en soliste. Et, cette entrée en mutisme, aléatoire, capricieuse, des uns et des autres, entrecoupée de derniers sursauts, c’est comme une trame qui s’effiloche. Sans doute quelques marginaux insistent, mais, sont-ils lassés de leur marginalité, ils se taisent bientôt tout à fait.
Et seule la lueur d’un lampadaire de l’allée perce maintenant la pénombre de la chambre.


Le monde a changé d’ordre.





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