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mardi 30 septembre 2014

KEN DENNING



Ce n’est pas « en passant » que je m’engage, ce samedi 27 septembre 2014, dans la rue Quincampoix, mais délibérément, pour y trouver, au numéro 40, la galerie Linz.
Cependant, c’est la première fois que je m’y rends, ayant appris qu’elle présente actuellement un peintre, Ken Denning, dont je sais seulement qu’il a suffit que je vois (ou devine, plutôt), reproduits sur un écran, deux ou trois de ses tableaux, pour que cela me donne l’envie, irrépressible, d’aller y voir de plus près…

*

Il est immédiatement évident que :
« En vrai, c’est beaucoup mieux encore qu’en photo ! ».

C’est un sujet en soi, que cet écart que l’on peut constater, si souvent, entre ce que l’on peut ressentir devant une peinture, et ce que l’on peut ressentir devant sa reproduction. Tous les cas de figure sont d’ailleurs possibles : de la déception la plus désolante à l’émerveillement imprévu (imprévu, de fait), en passant par la plus tranquille indifférence.
Quoiqu’il en soit, si vous tenez à une reconnaissance préalable par ce moyen des reproductions, vous pourrez passer par cette adresse :   http://www.kendenning.com/
J’y emprunte cette vue d’atelier, qui sera ici la seule image.



Pas de reproductions, donc. C’est en vous en parlant, un peu, que j’espère vous donner l’envie d’aller y voir par vous-même, quand il en est encore temps (jusqu’au 11 octobre 2014) :      http://galerielinz.com/artistes/ken-denning

Pour « en parler », deux voies seraient à emprunter, successivement.
Il s’agirait, dans un premier temps, de décrire – non pas tant le tableau, tel qu’en lui-même, que les diverses émotions (sensations et sentiments) éprouvées dans le moment même de sa présence ; le second temps serait alors celui de la mise au clair, et de l’exposition, des  pensées – celles relatives à l’objet tout autant qu’au ressenti – qui pourraient s’être formées en présence des œuvres… mais aussi bien, et peut-être plus justement, dans leur souvenir – celui que l’on a gardé de telle ou telle réalisation particulière, ou celui de l’impression laissée par l’ensemble – ce que la mémoire retient de ce que l’on appellera, par convention, la « démarche » (de l’artiste).
(A condition de ne jamais oublier que, quoi qu’on en dise, l’expérience vécue par celui-qui-regarde-un-tableau est essentiellement distincte de l’expérience vécue par celui-qui-fait-un-tableau. En effet, le spectateur fait l’expérience d’un objet achevé, alors que le peintre – au travail – fait l’expérience de l’inachèvement, de l’approximation, du doute…)

*

Au premier abord, la présence du paysage est l’évidence.

(Où ? Quel paysage ? … Oh, cela est à découvrir plus tard – si l’on y tient.
Pour l’instant, je suis devant « le » paysage : celui-là même qui peut partout s’ouvrir à qui se tient sous le ciel, ou bien devant une fenêtre…
Il semble, plutôt que de vallées encaissées, qu’il s’agisse de grandes étendues plates – une plaine, l’océan – à perte de vue.
Des arbres parfois, isolés, ou en rangées... Au long d’une route fuyant vers l’horizon… Des poteaux ? Quelques constructions ?
Une falaise abrupte à pic sur la mer ? Peut-être.
Des nuages épais comme des murs… ou bien la lumière aveuglante, soudain explosant… Et, là, toutes les nuances de la brume, translucide, opaque… Et toutes les heures du jour, et de la nuit aussi…) 

Mais, ici   je crois –, la reconnaissance de tel ou tel endroit n’est pas le souci du peintre. Son souci est que la surface de cette peinture, de ce dessin, soit présente à celui qui la contemple – présente, et prenante, et saisissante – comme ce paysage a été, pour lui, le peintre, présent, prenant et saisissant. Et tout est dans ce ‘comme’…
Pour que le tableau soit comme le paysage, il ne faut surtout pas le « représenter » ! Il faut que, ayant vu la matière et l’espace constituants de ce paysage, tels que diversement manifestés par sa lumière, le peintre compose une surface où la matière et l’espace, qui alors constituent le tableau, soient – autrement que dans le paysage et à une autre échelle, mais tout aussi intensément – manifestés par la lumière picturale.
Ken Denning obtient cela : que la façon d’agir du tableau soit analogue à la façon d’agir du paysage, que le tableau soit lui-même comme un paysage, mais d’une façon purement picturale. Et il obtient cela parce que ce n’est pas la « matière » qui est mise en avant, mais toutes les relations possibles, des plus flagrantes aux plus subtiles, entre des états de la matière.
(Et pour ce faire Ken Denning maîtrise toutes les ressources de la peinture – dont il n’est pas utile ici de faire l’inventaire : après tout, nous voulons goûter aux plats, et non pas détailler leurs recettes.)

*

’’ Le silence à la fin d’une œuvre de Bach est encore du Bach.’’

Certes, bien entendu !

Et je sais que, non, cette peinture n’est pas « silencieuse » ! En effet, après que j’ai détourné mon regard de ces tableaux, que je me sois retrouvé dans la rue, et que, bien plus tard encore, maintenant, je ne peux plus qu’y penser, sans les pouvoir revoir…  – en effet provoque-t-elle en moi un état « musical », et toutes ses conséquences : sinon l’envie de chanter et de danser toujours, du moins la capacité à respirer plus largement… encore longtemps…

mercredi 10 septembre 2014

TOPOGRAPHIE




...

Une hésitation, brève, au moment de choisir entre deux mots qui, pourtant distincts, peuvent sembler, à l’usage – et à l’usure –, interchangeables : 
endroit, lieu.
Mais, il s’agit pourtant d’en distinguer un, et un seul.

Au premier abord, un lieu serait « là où je peux demeurer », et un endroit, « là par où on ne fait que passer ».
(Je vois que le sujet n’est pas identique dans les deux propositions : ‘je’, puis ‘on’… mais, surtout, qu’il s’agit maintenant de distinguer demeurer et passer.
Mais, de même que ce n’est pas spatialement que je vais distinguer lieu et endroit – par exemple en croyant voir qu’un lieu devrait être plus « grand », plus étendu, qu’un endroit –, ce n’est pas en mesurant le temps « que ça prend » que je distinguerais demeurer et passer !)

Donc, je peux me dire être en tel lieu, pour une heure ou pour une vie, et tout au long de ce temps-là, parce que je pense, ressens, que j’y habite, et qu’il n’est pareil à aucun autre parce que c’est là que j’habite, et que pour cela j’en fais une expérience qui m’est propre. Etc.
Je peux me dire être en tel endroit, pour une heure ou pour une vie, si je ne m’y pense que de passage, entre là d’où je viens et là où je dois aller. Etc.

*
J’imagine qu’installé dans son « camp » depuis… dix ans, ou plus, un « réfugié » se sens, se pense, toujours – chaque instant de chaque heure, qu’il compte – de passage. Et qu’ainsi jamais il ne peut demeurer (habiter).
Il n’y demeure pas, il y reste.

*

Par ailleurs – c’est ailleurs, en effet –, je peux faire l’expérience d’un lieu en un éclair. Car le « temps » des lieux n’est pas celui de l’action, mais celui de la mémoire.
C’est ma mémoire qui reconnait, dans cette portion d’espace, un lieu.

Un lieu, je me l’approprie (ou j’y appartiens – question de point de vue). 
Un endroit, comme on dit qu’on le fait d’un chemin, je ne peux que l’emprunter… Un endroit n'est toujours que provisoire  « au passage ».
Mais, ne peut-on pas faire, d’un passage, sa demeure où habiter ? 
Ne puis-je pas choisir (ou être destiné) à demeurer dans le passage ?
Pourquoi pas, sans doute – mais c’est une autre partie de l’histoire.

Et quoi encore ?
Que c’est « moi » qui qualifie un endroit, qui le caractérise, le situe, qui en parle pour le dire beau ou laid, ou ceci ou cela. Etc.
Un lieu – c’est lui qui me parle. Et comme je lui réponds, il me situe.

*

En cet endroit : la sensation de la contingence.

En ce lieu : le sentiment d’une nécessité. 

lundi 1 septembre 2014

INTERDIT



Passant, un lundi matin (lundi 27 janvier 2014), devant la Grand Halle (de la Villette), 
mon regard est attiré, de loin, par des lumières hors de proportion ?
Ah, des projecteurs ! Pour un tournage installé là.
Rien qui puisse arrêter longtemps…

Mais, à l’écart de l’action, au moment de la laisser derrière moi, je vois un écran de toile, blanc (un réflecteur ?), posé dans ces coulisses à ciel ouvert, et dont l’incongruité (légère), me retient (un peu).
J’en avais déjà fini, en prenant deux ou trois vues de cet objet dans son environnement,  quand je vois venir, vers moi, un vigile. Celui-ci, ayant franchi la barrière (qui délimite l’emprise du tournage, et au-delà de laquelle je n’avais même pas fais mine de passer), s’adresse à moi en me déclarant sans façon :
« Il est interdit de prendre des photos ! »…
J’ai à peine le temps de supposer que seraient interdites des photos du tournage en cours (et en public), mais, non : c’est du bâtiment dont il est question !
Il serait donc interdit de photographier la Grand Halle de la Villette ?
Allons bon !

Le vigile, qui doit voir passer, dans mon regard, toute mon incompréhension de cet interdit, évidemment absurde ici, préfère s’y reprendre ainsi :
« C’est interdit comme professionnel. »
Il m’est trop facile de lui faire remarquer que «  Professionnel ? ce n’est pas marqué sur mon front », et que, à la limite, il aurait pu m’aborder ainsi : « Bonjour Monsieur. Les photos que vous prenez sont-elles destinées à être commercialisées ? »…
Sa réponse : « Si c’est sur internet, vous verrez bien… »
Je n’ai pas même le temps de sourire en pensant, que, justement, moi, tout ce que je veux, c’est de les y voir, mes photos, sur internet – le vigile poursuit sa route sans plus insister, et rentre dans un autre corps de bâtiment où, je le suppose, il va se mettre à l'abri, dans une pièce bien chauffée, pour y prendre sa pause, et un café...
Ce 27 janvier, vers dix heures, dans ces espaces ouverts à tous les vents, il faisait plutôt froid.

Et, en pensant à toutes ces procédure fomentées pour monnayer l’image de bâtiments disposés à la vue de tout un chacun dans l’espace public, il fait assez froid aussi…


MINIMAL / DESIGN






PASSER : se déplacer (de soi-même)
ou être déplacé (par quelqu’un ou quelque chose),
ou bien déplacer quelqu’un, quelque chose,
d’un point à un autre (de l’espace-temps)…
[Mais pas de digression, ici, sur l’espace-temps – merci.]

*

Donc, ce dimanche-là, j’étais passé (entre autres points, et cherchant une chose pour en trouver d’autres) d’une boutique à un musée (1). 
Plus précisément : de la vue, dans la boutique, d’un objet (sans doute catalogué ‘design’), à celle d’une œuvre (sans doute cataloguée ‘minimaliste’), installée dans la cour intérieure du musée.
[Mais, ici, pas de définitions prévues … Ou bien, si l’on y tient, pour celle du minimalisme, proposer le principe « Plus la matière est mince, plus l’esprit peut être dense », et, pour celle du design, proposer d’y entendre, avec simplicité : dessin, mais destiné ?]
Vues de deux réalités qui - en dehors d'une relative proximité spatio-temporelle de pur hasard - n'avaient, comme on dit, "rien à voir"...


Mais, il fallait bien qu’il y ait quelque chose à y voir, pour que leurs deux images se trouvent comme spontanément réunies
– pour être deux qui n’en feraient qu’une ?

Sans doute un réseau de contradictions harmonieuses ?

_ Intérieur / Extérieur                

_ Vertical / Horizontal                

_ Au mur / Au sol

_ Accumulation, en rangées et colonnes, par principe toujours extensible à loisir
/ Unicité de l’ici, maintenant 

_ Convexité multipliée, inclus dans un cadre carré, la répétition mécanique de miroirs de verre circulaires, reflétant la présence humaine sans rien en retenir
/ Planéité solitaire, reflétant le ciel et les façades de pierre du bâtiment dans lequel il est inclus : un carré de métal, noir, miroitant, supportant toute la pesanteur de cette roche ovoïde à l’épiderme deviné…


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(1)   la boutique : à l’angle de la rue du Temple et de la rue Saint-Merri, je crois,
(2)   le musée, celui « de la chasse et de la nature », 62 rue des Archives, dans la cour duquel se trouvait cette installation de LEE UFAN :  http://www.studioleeufan.org/

SERGE POLIAKOFF



Passant… à l’exposition que le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 
avait consacrée, l’hiver dernier, à l’œuvre de Serge Poliakoff  





On dit parfois, d’un tel, qu’il a été « réduit » au silence 
– étant entendu que cette réduction est une épreuve négative.
Alors, je peux dire de ces peintures-là qu’elles nous agrandissent au silence 
– et que cet agrandissement nous est bénéfique…

Cela doit venir de ce que ce silence – agrandisseur –, 
est plein d’une singulière musique – dont les sonorités sont celles des couleurs, et les rythmes ceux des formes ?
Sans doute, mais, alors, entendue selon les termes de l’équation cézanienne :
« Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude. »