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mardi 3 avril 2018

ÌSÖLD





R  ÌSÖLD, c’est le titre.

I  Isolde ? Et Tristan ?

R  Non, rien de si wagnérien ! C’est seulement que, ‘ìsöld’ signifie ‘glaciation’, en islandais. En phase, de façon assez primaire, avec cette image, proposée ici pour « inspirer » un morceau de musique :








I  Ah oui, bien sûr ! Encore une fois, ce rapport entre une photographie, et de la musique ? Je vois bien que l’image est ici celle d’un monde glacé…

R  … Un paysage d’Islande rapporté par Fabrice Tourrel :

I  Cependant, cela reste assez énigmatique, pour moi, la possibilité d’un rapport entre image et musique…

R  Oh, tant qu’il n’est pas exigé que ce rapport soit univoque – et comment pourrait-il l’être ? -, cela fonctionne assez bien. Encore une fois, la source – de l’inspiration d’un musicien – ne doit pas être ici une image prise pour elle-même, mais seulement la façon dont cette image peut impressionner, plus ou moins rationnellement, plus ou moins sentimentalement, ce musicien.

I  Est-ce que vous pourriez dire que la musique résultante devra « impressionner» l’auditeur de la même façon que l’image a impressionné, « plus ou moins rationnellement ou sentimentalement », le musicien ?

R  A vrai dire, je n’ai aucune idée, pour ce qui me concerne, de la façon dont ma musique va pouvoir « impressionner » qui que ce soit…

I  Mais vous pouvez dire deux ou trois mots de la façon dont vous avez reçu cette image ?

R  Oui, bien sûr. Dans une certaine mesure… D’abord, j’essaye de la voir… pour ce qu’elle donne à voir, objectivement, si je peux dire : un glacier qui, descendant de la montagne dont on devine les contreforts sur la gauche, vient s’écouler, s’écrouler, dans la peau gelée de la mer.

I  La mer ? Le titre de la photographie indique « Lac islandais ».

R  Ah oui… Voyez comme déjà mon premier regard n’est plus objectif. Là où est un lac, je vois la mer…

I  Ce serait intéressant de savoir pourquoi ?

R  S’il le fallait, je crois que je dirais que, un lac, c’est trop étroit, petit, limité. Alors, il me faut imaginer la mer, l’Océan, même !

I  Donc, les grands espaces, au-delà du cadre…

R  Oui, ce doit être ce qui est « impressionnant » pour moi, ici : tout ce qui déborde du cadre de la photographie : la montagne au-delà de l’horizon, les vastes étendues d’un glacier se confondant avec celles de la terre, la mer gelée à perte de vue… et tout le ciel ! Sans aucune limite imaginable…

I  L’étendue, donc, et qu’elle soit toute figée dans la glace ?

R  Oh non ! Rien de figé ici. J’entends le vent qui souffle sans cesse poussant les nuages, les couches du glacier qui glissent imperturbablement les unes sur les autres, la roche en dessous qui gémit sous son poids…

I  Oui, tout bouge… mais si lentement !

R  Pour dire les choses comme elles sont : tout en ce lieu semble, à proprement parler, inhumain. Cette lenteur géologique, cet espace sans horizon atteignable, ils excèdent la capacité humaine. Pour l’homme, tout ici est invivable.

I  Mais, bien entendu, votre musique ?

R  Oh, je n’ai pas la prétention de composer une musique inhumaine…