LEÇONS SUR TCHOUANG TSEU
de Jean François Billeter
(Note de lecture 2)
‘Note de
lecture’ ?
À proprement
parler, ces « notes de lectures » sont effectivement relatives à la lecture elle-même ; ce ne sont pas
des relevés d’un texte, tel qu’en
lui-même. Ce ne sont pas, comme je crois qu’il est convenu que doivent l’être
des ‘notes de lecture’, des recensions (des « analyses et comptes rendus
critique d’un ouvrage dans une revue »).
Cependant,
il ne s’agit pas de « la lecture en général », ni même de comment je
lis, moi, « en général », mais bien de ma lecture de ce texte-là -
de ces LEÇONS
SUR TCHOUANG TSEU de Jean François
Billeter.
Du moins, c’est ce que je vise.
Ce n’est que par le moyen de ce
texte-là (le texte de ces « leçons »), que ma lecture est ce qu’elle
est.
La lecture, telle qu’ainsi considérée, qu’elle est-elle ? Une
activité.
Et le second essai du volume est justement intitulé :
« Les régimes de l’activité ».
Lisant, je suis actif. Mais peut-être devrais-je dire : interactif.
Lisant, je suis actif, déjà, au moment où je prends la décision de lire,
plutôt que de faire autre chose, ou plutôt que de ne rien faire, et de même quand
je me décide à lire ceci, et pas cela.
(Quand je me décide à – ou bien : quand je me laisse aller à. Et, pour
désigner l’acteur de cette activité, je ne dis « je » que par
commodité, sans m’arrêter pour l’instant sur la réalité de ce « je ».)
Je suis
toujours actif en me décidant (ou en me laissant aller) à lire de telle façon,
et pas d’une autre, à telle allure, etc.
Par ailleurs
(est-ce vraiment « ailleurs », d’ailleurs ?), cette activité, la
lecture de tel texte, me transforme, d’une façon ou d’une autre.
Parfois,
elle pourra déplacer mon « point de vue », même insensiblement, même
provisoirement… Ou bien elle m’informera ; elle me donnera la connaissance
de certains faits, ou de certaines preuves de leur réalité, ou bien elle me
fera douter de la validité de telle ou telle assertion, etc.
La lecture
peut aussi, parfois, me faire le vis-à-vis, le compagnon, le confident, ou
l’ennemi juré, d’autres vivants, ailleurs, en d’autres temps, plus ou moins
réels ou plus ou moins imaginaires, peu importe : c’est toujours « en
réalité », dans la réalité de ce que je j’éprouve au moment que je suis
leurs aventures, que je peux les aimer ou les détester, les admirer ou les
mépriser. Quoiqu’il en soit de la nature et de la puissance de ces proximités
morales ou affectives, attirantes ou répugnantes, elles me font, au moins le
temps de la lecture, autre. Tout imaginées qu’elles soient, elles peuvent
m’avoir touché aussi efficacement que me touche une relation avec des personnes
rencontrées dans mon existence réelle…
Et puis, une
lecture peut aussi transformer mon regard, parce qu’elle me met en présence
d’un autre monde – ou plutôt : de mon monde, mais tel que révélé par un
autre regard, selon d’autres façons de le percevoir, et, surtout, d’autres
façons de mettre en relations les différentes perceptions qui en sont
possibles. Il suffit parfois d’une épithète… Et tout soudain ce quelque chose,
demeuré si longtemps inaperçu, se découvre ; et ce quelque chose, qui nous
était indifférent, tant il semblait trivial, on l’entend « d’une autre
oreille »…
Je suis
actif en décidant de lire, ceci ou cela, comme ci ou comme ça.
Mais cela que
je lis - non pas le texte « lui-même », mais ce que j’en reçois et
retiens -, est aussi actif.
Et, ici, une « note de lecture » devrait n’être
que la description de la façon dont telle lecture (de tel texte) agit sur moi.
(cf. Note de lecture 1)